Alors je me réfugiais chez Alain. Lui non plus n’avait pas la télé, il m’attendait tous les dimanches. Rituellement. J’aimais sa mère, et ses cafés au lait de quatre heures avec des grands morceaux de pain dedans. J’admirai aussi son père qui partait dés le dimanche soir à son travail à l’usine de talc de Luzenac, la plus grande carrière de talc du monde. Il n’en revenait que le vendredi d’après. Lui aussi, de tout son corps, de ses mains pétrissait rageusement une vie meilleure pour ses deux garçons.
Silencieusement, consciencieusement, nous déballions nos soldats.
Hétéroclite armée que nous avions là, lui et moi. Point de course à l’armement, les revenus de nos parents ne le permettaient pas. Nos armées n’en avaient pas les moyens. Armées de pauvres. Nous composions notre armada, d’amour, de bric et de broc, de soldats de plomb et de plastique, de Cow-boy et d’indiens, de chevaliers et de policiers. Même Zorro combattait, dans l’armée composite du dimanche après midi. Selon les sous des parents, nous avions droit de temps à autre à un nouveau soldat qui venait renforcer joyeusement notre maigre armada. Pour les chars d’assaut deux carrés de bois, l’un plus grand que l’autre cloué l’un sur l’autre, un clou pour le canon et le tour était joué. Nous avions décidé de nous limiter à quelques chars, trois ou quatre, je ne sais plus. Un ou deux avions rafistolés de colle et de décalcomanie, achevaient les armées en présence. Et puis notre imagination faisait le reste ……
– T’es touché……..
– Ton char flambe………
– Ton soldat et mort………
– Ton avion est en panne…………….
Personne ne contestait, nous acceptions l’évidence. Il gagnait, je gagnais, peu importe. Lui et moi, drogués pour quelques heures, avions oublié le film que nous aurions tant aimé voir.
La guéguerre des soldats de plomb est terminée, je dois m’en aller. J’accepte avec joie l’amour et le café au lait que sa maman me propose. Il fait presque nuit, je n’aime pas l’hiver. Il fait toujours froid et noir dans mon âme vagabonde qui cherche désespérément quelque chose, je ne sais pas encore quoi. C’est triste non !
Je ne voulais ni ne pouvais rentrer à la maison, papa travaillait encore, sûrement. Et maman, maman………….. !
Je n’avais pas de maman le dimanche après midi, quand il faisait noir et que j’avais peur du lendemain.
J’errais.
Et toujours la même trouille au ventre qui me prenait tous les dimanches soirs à l’heure où les paysans trayaient leurs vaches. J’angoissais du lundi. Je n’avais que très rarement terminé mes devoirs. J’aurai juste le temps demain dans le car de copier sur Alain, Émilien ou Robert si comme moi, ils ne cherchaient pas eux aussi un complice.
Tous mes dimanches soirs maudits s’achevaient douloureusement, la peur au ventre. L’obsession du lendemain vissée au corps.
Je hais toujours le dimanche soir encore aujourd’hui. Ce ne sont plus les professeurs qui me terrorisent, mais à croire que mon corps et mon esprit se sont intoxiqués à la panique du dimanche, et qu’ils réclament encore leur dose hebdomadaire de détresse. Mes dimanches à Serres sur Arget m’ont drogué à vie, à mort.
Silencieusement, consciencieusement, nous déballions nos soldats.
Hétéroclite armée que nous avions là, lui et moi. Point de course à l’armement, les revenus de nos parents ne le permettaient pas. Nos armées n’en avaient pas les moyens. Armées de pauvres. Nous composions notre armada, d’amour, de bric et de broc, de soldats de plomb et de plastique, de Cow-boy et d’indiens, de chevaliers et de policiers. Même Zorro combattait, dans l’armée composite du dimanche après midi. Selon les sous des parents, nous avions droit de temps à autre à un nouveau soldat qui venait renforcer joyeusement notre maigre armada. Pour les chars d’assaut deux carrés de bois, l’un plus grand que l’autre cloué l’un sur l’autre, un clou pour le canon et le tour était joué. Nous avions décidé de nous limiter à quelques chars, trois ou quatre, je ne sais plus. Un ou deux avions rafistolés de colle et de décalcomanie, achevaient les armées en présence. Et puis notre imagination faisait le reste ……
– T’es touché……..
– Ton char flambe………
– Ton soldat et mort………
– Ton avion est en panne…………….
Personne ne contestait, nous acceptions l’évidence. Il gagnait, je gagnais, peu importe. Lui et moi, drogués pour quelques heures, avions oublié le film que nous aurions tant aimé voir.
La guéguerre des soldats de plomb est terminée, je dois m’en aller. J’accepte avec joie l’amour et le café au lait que sa maman me propose. Il fait presque nuit, je n’aime pas l’hiver. Il fait toujours froid et noir dans mon âme vagabonde qui cherche désespérément quelque chose, je ne sais pas encore quoi. C’est triste non !
Je ne voulais ni ne pouvais rentrer à la maison, papa travaillait encore, sûrement. Et maman, maman………….. !
Je n’avais pas de maman le dimanche après midi, quand il faisait noir et que j’avais peur du lendemain.
J’errais.
Et toujours la même trouille au ventre qui me prenait tous les dimanches soirs à l’heure où les paysans trayaient leurs vaches. J’angoissais du lundi. Je n’avais que très rarement terminé mes devoirs. J’aurai juste le temps demain dans le car de copier sur Alain, Émilien ou Robert si comme moi, ils ne cherchaient pas eux aussi un complice.
Tous mes dimanches soirs maudits s’achevaient douloureusement, la peur au ventre. L’obsession du lendemain vissée au corps.
Je hais toujours le dimanche soir encore aujourd’hui. Ce ne sont plus les professeurs qui me terrorisent, mais à croire que mon corps et mon esprit se sont intoxiqués à la panique du dimanche, et qu’ils réclament encore leur dose hebdomadaire de détresse. Mes dimanches à Serres sur Arget m’ont drogué à vie, à mort.