27 avril 2008

Mes années college (épisode 9 )


À présent, merles et pies, moineaux et grives, pouvaient sans danger pour leur douce vie, venir me narguer sans que ne s’éveille en moi mon ancestral instinct destructeur. Je n’avais plus le réflexe de saisir précipitamment et frénétiquement mon lance-pierre. Il avait maintenant déserté ma poche et dormait quelque part dans un placard, pour quelques temps encore.
Une fois, une seule, je suis allé comme tous les gamins de la région dénicher une pie. Dans sa boite à sucre, je dorlotais passionnément le petit oisillon que je nourrissais plusieurs fois par jour. J’étais devenue sa mère adoptive, il ne cessait d’ouvrir son bec en me voyant s’approcher de lui. Bien entendu, il se nommera Margot. Devenue adulte, je ne lui coupais pas les ailes, comme cela était la coutume. Elle était libre, et semblait m’en remercier en ne me quittant que très rarement. Il lui arrivait parfois de partir un à deux jours. Papa disait « pour faire des bêtises ». Elle revenait, se posait sur mon épaule, pour ne plus me quitter. Sur mon bras ou virevoltant dans le ciel nous étions devenus inséparables. Tout le monde dans le village, l’épicière, le boulanger et les badauds connaissaient Margot.
Margot était espiègle et joueuse. Elle choisit sa cachette sous le grand caoutchouc de la salle à manger. Sous ses feuilles protectrices, elle y entassait, pèle mêle, cuillères, papiers dorés et argentés de bonbons, enfin tout ce qui brillait et tout ce qui faisait du bruit. Margot savait compter, si vous lui vidiez sa cachette, elle hurlait, jacassait, terrifiait les chiens jusqu'à ce que vous fassiez tomber une petite cuillère au sol. Alors Margot intriguée par ce bruit familier, s’en approchait mine de rien, la comédienne jouait à celle qui ne semblait pas intéressée, puis d’un coup de bec furtif, la saisissait et allait la cacher, ouf ! Nous voilà sauvés, Margot s’était calmée. Margot l’emportait toujours sur nos nerfs.
Margot est morte. Un soir en rentrant de l’école, je l’ai retrouvée inanimée dans la gamelle des chiens. Cette fois, l’un deux n’avait pas trop apprécié qu’elle lui vole comme d’habitude un peu de sa pitance. Sans doute un coup de gueule amical, fatal. J’ai enterré Margot dans le jardin, avec un rosier sur le dessus de sa tombe. Il n’y aura plus jamais d’autre Margot, je le jurais. La mort des animaux que l’on aime passionnément est bien trop triste. Quand les fourrages ne me réclamaient pas, je retournais dans la forêt au dessus de la Mouline. Avec les copains, nous construisions notre refuge, notre cabane à rêves. Notre indépendanc

12 avril 2008

Mes années colleges ( épisode 8)


Comme pour l’argent caché dans le cric ou le rouleau de dentifrice quand nous avions passé la douane, je devinais sans mal la caverne où elle avait camouflé sa collection. C’est dans sa chambre que ses pièces trouvaient refuge. Facilité en cela par le fait que mes parents dormaient séparément. Comme leur vie.
- Pépé, ainsi nommait-elle son mari en notre présence, ronfle et lit toute la nuit et cela m’empêche de dormir. Et de compter tes sous ! Pensais-je par réflexe.
Dans sa chambre un petit coffret en bois ciselet de nacre de Mogador, accueillait régulièrement tel un tabernacle, ses offrandes volées et la taxe de son bonheur futile.
Je l’ai souvent surprise à aller se ressourcer les doigts et chuchoter à l’oreille des pièces de sa collection maudite. Elle revenait de son pèlerinage miraculeusement guérie. Elle y avait puisé une énergie nouvelle, maudite, qui l’affublait d’un sourire jubilatoire, celui que je lui connaissais jadis, lorsqu’elle avait tué un lièvre, un sanglier ou péché une magnifique truite.
Je préférai alors m’évader en dehors de la maison.

Dehors, mon univers et mon terrain de chasse s’étaient considérablement rétrécis. Non pas qu’il manquait d’espace libre ici, ni de bois et de prairies pour gambader mes chimères, mais l’âme et le désir du chasseur ne m’ensorcelait plus. Je n’avais pas encore définitivement oublié Midelt semble-t-il, bien qu’à certain moment je le souhaitais fortement.
J’étais en transhumance de sentiment, cerné entre le présent qui devait être mon futur, et ce passé qui suintait toujours de mon esprit voyageur.
Moi ce que j’aime c’est l’espace aride et sans vie apparente pour qui n’est pas berbère ou chasseur de l’atlas. Devant moi, à perte de vue, l’alpha et le sable m’attiraient, me magnétisaient et m’invitaient à errer encore plus loin. La fraîcheur de ma gourde sur le dos, et toujours Slimane le fidèle, l’ami, le frère qui m’accompagnait les yeux émerveillés.
Mon lance-pierre à la main, armé d’une bille de fer d’un roulement emprunté dans le garage de la ferme ou d’un caillou minutieusement choisi pour sa forme et son poids, je m’aventurai dans cet immense espace de rêve démesuré. J’étais lui. Mon père, celui qui avait tué tant et tant de sangliers au poignard en tête à tête, en homme fort. Celui qui chassait la panthère. Celui que tout le monde à Timexaouine, considérait comme le plus grand chasseur de tous les temps. Toto reniflait déjà une piste……. Je m’évadais…
Je retournais à Midelt…………………..
C’était si facile de fantasmer sur ce passé si présent encore. J’ai encore dans le cœur le plateau aride de Midelt qui inspirait mes pas d’aventurier, glacial l’hiver, et mordant l’été. Quelques secondes suffisaient pour que ce gosse pittoresque en short, maigre comme les vaches de ce pays se transforme en un chasseur intrépide. Dans mes rêves revivifiant, j’avais moi aussi mon pur sang arabe et Toto se métamorphosait en sloughi ...
Quand je croisais la route d’un cavalier, j’en avais le souffle coupé, la gorge sèche. J’étais tétanisé d’admiration et de curiosité.
Lui, là-haut sur son cheval, fier, en cape blanche, son « Tarbouch » enroulé autour de la tête, dégageait une force énigmatique. Moi à ses pieds, j’espionnais son visage retranché derrière ce tissu blanc mystère. Je le dévisageais droit dans les yeux bleus de ses ancêtres, pour y traquer sa force et percer son secret. Mon Dieu !quelles minutes merveilleuses dans la vie de celui qui croise un jour le regard soutenu et fier d’un cavalier marocain.
Lui s’interroge, c’est qui ce Roumi ? Pourquoi me dévisage-t-il ainsi ? Parfois, d’un coup d’œil attendri, il me saluait, il m’avait compris. Un frisson de fierté m’envahissait, j’étais des leurs. Alors, d’un léger coup de pied et de quelques mots, il talonnait son intrépide et majestueuse monture, elle n’attendait qu’un ordre de sa part pour dévoiler sa force et sa fierté. Même la poussière soulevée par l’animal s’imprégnait de la noblesse de ce couple qui venait de la fouler. Une forte senteur me parvenait. Un mélange subtil, de cuir, de transpiration et de sable doucement m’envahissait l’âme. Je respirais un bon coup. Désormais dans mes rêves les plus fous, je devenais à jamais un fier cavalier berbère.
Le nuage de poussière virevoltait lentement, pour faire durer le plaisir, à l’infini…….il se dissipait, le cavalier avait disparu. Il ne me restait plus que mon rêve en bandoulière, en mémoire pour des lendemains nécessiteux.
Je revis subitement l’épisode, il y a maintenant si longtemps, de la chasse au lièvre et ma première rencontre avec un berbère. J’avais promis qu’une fois grand moi aussi « je ferai berbère », ce ne sera jamais le cas. Toto sans doute est mort aujourd’hui, seul, sans moi. C’était la première fois que je pensais à lui ! Quelle tristesse soudaine ! Pauvre Toto. Je m’en voulais de mon égoïsme.

02 avril 2008

Mes années colleges (épisode 7)


Mes timides relations avec mon père se dégradaient, non pas qu’il m’aimait moins ou que moi-même lui en veuille de la vie que nous menions. Non rien de cela. Notre écart d’age 48 ans nous éloignait inexorablement, sans que nous puissions, ni lui ni moi, y remédier. Le temps se chargeait de cela, inéluctablement ! Fatalement !
Plus je grandissais, plus il vieillissait. Comment se retrouver maintenant? Et sur quel chemin ?
Comment nos deux vies pourraient-elles à présent se rejoindre ?
Celle de ce gamin, qui n’avait eu d’yeux que pour son dieu qui lui avait appris à pêcher, chasser, naviguer en mer, balades en jeep dans tout le moyen atlas, de ce père qui appelait son fils le « marlem ». Nos routes, je crains, ne se croiseront plus jamais, l’amour silencieux, muet, pudique même qui nous unit, évitera j’espère quelles ne s’éloignent d’avantage et ne se séparent à jamais. Fermeture pour cause de sentiments différents.

Après un ou deux ulcères à l’estomac soignés avec une grande dose de courage, de cachet à sucer, du lait, du bicarbonate de soude, du charbon, de remèdes de grand-mère, mais aussi avec beaucoup de dédain, la santé de mon père se dégradait toujours.
« Les médecins sont des incapables » disait-il, sans le penser. Il avait juste peur d’avoir rendez-vous de trop prés avec le mal qui le rongeait. Malgré sa santé de plus en plus fragile, il travaillait toujours autant. Orgueil ! Force !
Même pas malade ! Même pas malade ! Devait-il se répéter inlassablement.

Mon frère lui acceptait logiquement de moins en moins cette vie sans lendemain et sans avenir. Les disputes se resserraient, de plus en plus intenses.
Cela ne durera pas, il va se passer quelque chose. Je voyais bien le soir ma mère sortir momentanément de son mutisme réglementaire. Cela ne pouvait signifier qu’une seule chose, l’odeur de l’argent la réveillait, lui titillait le cerveau. Il y avait des sous en jeu, il fallait faire les comptes, bientôt, elle s’imposera dans la partie de notre vie qui allait se jouer.
De l’argent, ma mère n’en a jamais eu. Mais je n’ai vu une personne l’aimer autant. Elle l’aimait à en être béate, à flirter avec un billet de banque, à faire l’amour avec ses pièces de monnaies, celles qu’elle détournait méthodiquement, les pièces de cinq francs argent.
« Pour ma collection » disait-elle.
Nul ne sait quel magot elle avait pu engranger. J’imaginais sans peine, qu’il lui était aisé de nourrir sa fantasque collection. Elle allait acheter du pain en bas quand le boulanger klaxonnait, elle le payait en billet et espérait, quitte à le lui demander gentiment pour une fois, que la monnaie lui soit rendue en pièce de cinq francs.
« Pour sa collection ».
Les pièces envoûtées et si désirées disparaissaient inévitablement et subitement du circuit commercial familial. Si rapidement que mon père ne pouvait s’en apercevoir. D’autant plus que pour lui l’argent n’était pas son souci majeur.
« Un litre d’essence et un quignon de pain me suffisent pour être heureux ! ». Voila la devise qu’il ne cessait de répéter. Je le croyais et l’enviais presque de son détachement au matériel. Mais n’était-ce pas là aussi de l’égoïsme ? Un acte de père responsable doit il ne penser qu’à lui ? Malgré tout, sa famille en souffrait .

01 avril 2008

297 Mercis


297 mercis
Vous avez été 297 à voter pour mon blog.
Même si je ne suis pas dans les 10 premiers, cette expérience fut très sympathique et surtout très enrichissante, en plusieurs points.
En premier, ma surprise de voir des personnes se mobiliser pour trouver des voix. Bien sûr mes enfants, mais aussi, d’autres que je ne nommerai pas, mais qui déjà ont reçu un petit mail ce matin.
En second, la découverte de certains blogs que j’irai à nouveau visiter.
Enfin, j’espère que parmi les 1874 visites du blog ce mois-ci, quelques visiteurs me resteront fidèles.
En effet, la moyenne de visite de mon blog est de 800 à 900 par mois et en ce mois de mars, 1874 visiteurs ou rôdeurs sont venus se balader sur mes lignes.
A vous tous, connus et inconnus, fidèles et furtifs, je vous remercie à nouveau.
Bientôt, les aventures du petit garçon vont reprendre.