À présent, merles et pies, moineaux et grives, pouvaient sans danger pour leur douce vie, venir me narguer sans que ne s’éveille en moi mon ancestral instinct destructeur. Je n’avais plus le réflexe de saisir précipitamment et frénétiquement mon lance-pierre. Il avait maintenant déserté ma poche et dormait quelque part dans un placard, pour quelques temps encore.
Une fois, une seule, je suis allé comme tous les gamins de la région dénicher une pie. Dans sa boite à sucre, je dorlotais passionnément le petit oisillon que je nourrissais plusieurs fois par jour. J’étais devenue sa mère adoptive, il ne cessait d’ouvrir son bec en me voyant s’approcher de lui. Bien entendu, il se nommera Margot. Devenue adulte, je ne lui coupais pas les ailes, comme cela était la coutume. Elle était libre, et semblait m’en remercier en ne me quittant que très rarement. Il lui arrivait parfois de partir un à deux jours. Papa disait « pour faire des bêtises ». Elle revenait, se posait sur mon épaule, pour ne plus me quitter. Sur mon bras ou virevoltant dans le ciel nous étions devenus inséparables. Tout le monde dans le village, l’épicière, le boulanger et les badauds connaissaient Margot.
Margot était espiègle et joueuse. Elle choisit sa cachette sous le grand caoutchouc de la salle à manger. Sous ses feuilles protectrices, elle y entassait, pèle mêle, cuillères, papiers dorés et argentés de bonbons, enfin tout ce qui brillait et tout ce qui faisait du bruit. Margot savait compter, si vous lui vidiez sa cachette, elle hurlait, jacassait, terrifiait les chiens jusqu'à ce que vous fassiez tomber une petite cuillère au sol. Alors Margot intriguée par ce bruit familier, s’en approchait mine de rien, la comédienne jouait à celle qui ne semblait pas intéressée, puis d’un coup de bec furtif, la saisissait et allait la cacher, ouf ! Nous voilà sauvés, Margot s’était calmée. Margot l’emportait toujours sur nos nerfs.
Margot est morte. Un soir en rentrant de l’école, je l’ai retrouvée inanimée dans la gamelle des chiens. Cette fois, l’un deux n’avait pas trop apprécié qu’elle lui vole comme d’habitude un peu de sa pitance. Sans doute un coup de gueule amical, fatal. J’ai enterré Margot dans le jardin, avec un rosier sur le dessus de sa tombe. Il n’y aura plus jamais d’autre Margot, je le jurais. La mort des animaux que l’on aime passionnément est bien trop triste. Quand les fourrages ne me réclamaient pas, je retournais dans la forêt au dessus de la Mouline. Avec les copains, nous construisions notre refuge, notre cabane à rêves. Notre indépendanc
Une fois, une seule, je suis allé comme tous les gamins de la région dénicher une pie. Dans sa boite à sucre, je dorlotais passionnément le petit oisillon que je nourrissais plusieurs fois par jour. J’étais devenue sa mère adoptive, il ne cessait d’ouvrir son bec en me voyant s’approcher de lui. Bien entendu, il se nommera Margot. Devenue adulte, je ne lui coupais pas les ailes, comme cela était la coutume. Elle était libre, et semblait m’en remercier en ne me quittant que très rarement. Il lui arrivait parfois de partir un à deux jours. Papa disait « pour faire des bêtises ». Elle revenait, se posait sur mon épaule, pour ne plus me quitter. Sur mon bras ou virevoltant dans le ciel nous étions devenus inséparables. Tout le monde dans le village, l’épicière, le boulanger et les badauds connaissaient Margot.
Margot était espiègle et joueuse. Elle choisit sa cachette sous le grand caoutchouc de la salle à manger. Sous ses feuilles protectrices, elle y entassait, pèle mêle, cuillères, papiers dorés et argentés de bonbons, enfin tout ce qui brillait et tout ce qui faisait du bruit. Margot savait compter, si vous lui vidiez sa cachette, elle hurlait, jacassait, terrifiait les chiens jusqu'à ce que vous fassiez tomber une petite cuillère au sol. Alors Margot intriguée par ce bruit familier, s’en approchait mine de rien, la comédienne jouait à celle qui ne semblait pas intéressée, puis d’un coup de bec furtif, la saisissait et allait la cacher, ouf ! Nous voilà sauvés, Margot s’était calmée. Margot l’emportait toujours sur nos nerfs.
Margot est morte. Un soir en rentrant de l’école, je l’ai retrouvée inanimée dans la gamelle des chiens. Cette fois, l’un deux n’avait pas trop apprécié qu’elle lui vole comme d’habitude un peu de sa pitance. Sans doute un coup de gueule amical, fatal. J’ai enterré Margot dans le jardin, avec un rosier sur le dessus de sa tombe. Il n’y aura plus jamais d’autre Margot, je le jurais. La mort des animaux que l’on aime passionnément est bien trop triste. Quand les fourrages ne me réclamaient pas, je retournais dans la forêt au dessus de la Mouline. Avec les copains, nous construisions notre refuge, notre cabane à rêves. Notre indépendanc