22 mai 2008

Sur les traces de Livingstone




Je m’envole, je m’en vais la bas ou les chèvres grimpent aux arbres,
Porte ouverte sur mes reves d'enfance
Où le nom signifie « pays du soleil du couchant »
Pays froid ou le soleil est chaud
Plateaux arides et miraculeuses oasis
Cohue des médinas et ruche des villes
Espaces solitaires du désert majestueux
Civilisation raffinée et palais impérial
Le blanc, bleu , ocre.
Aller à la rencontre d’un peuple attachant que j’ai quitté en larme.

18 mai 2008

Mes années college épisode 12)


Très rarement ma mère me donnait l’autorisation d’aller voir la télé au bistrot chez « Nine » à la Mouline. Je me précipitais vers le café en espérant, en priant plutôt que la télé soit allumée sur la 2. Vers 14 heures je me pointais hypnotisé par son magnétique regard noir et blanc, je m’asseyais par terre, pour ne pas gêner, parfois même sous une table. Les émotions, il fallait se les garder dans la poche, ou s’émerveiller pas trop fort, pas plus encourager Rintintin. Je me faisais tout petit. Je la dévisageais dans les vapeurs de pinard, les brumes de tabac gris roulé, et les ralliements des joueurs de belotte qui tapaient le carton, ponctué de « millaudiou » sonores et de dépits.
- Atout ! Belotte ! Rebelote ! Et dix de der ! » Ils régnaient en maître de la salle.
Avec juste les images qui défilaient devant moi, je découvrais enfin les épisodes de Rintintin et Rusty, les Ivanoë avec Roger Moore qui deviendra le Saint, et James Bond. L'Aigle Noir, Winitou, les Thierry la Fronde, avec Jean Claude Drouot je pense, et avec Yves Régnier et autres globe-trotters que nous imitions les jours suivants dans la campagne, et les forêts entourant le village.
Lorsque je ressortais de ces séances de télé vinasse, j’avais les yeux rougis par la nicotine et la fixité du regard.Regard qui mettait une éternité à reprendre la vision normale des choses. Au moins jusqu'au retour à la maison, où je me faisais gronder par ce que mon pull et mes cheveux sentait affreusement mauvais. Je préférai me taire pour ne pas risquer d’être privé de télé pour les dimanches à venir. Elle aussi me tenait en laisse avec ce maudit outil de pression. Il suffisait de me promettre de m’en punir pour que soudainement je redevienne l’enfant docile que je tentais désespérément de sacrifier.

Il arrivait souvent que la télé soit branchée sur des émissions pour grands. Le tiercé, où bien sur Roger Lanzac, je ne l’ai pas aimé lui qui me privait de mes dimanches. J’attendais un peu et je repartais errer dans les rues, encore plus triste qu’avant. Il est 14 heures, les rues sont désertes, les mioches se plongent devant leur télé. Personne ne m’a invité. J’entends le générique du film ! Et merde !……………………
Je suis seul dans la rue. J’enrage d’être pauvre.

12 mai 2008

Mes années colleges (épisode 11)


Nous n’avions pas la télévision, ce n’était pas pour nous. Pas assez d’argent. Pas assez riche.
Pour la regarder cette P… .. de télé je devais ruser pour me faire inviter, et voler ainsi les quelques instants de bonheur que semblait parsemer autour d’elle ce nouveau jouet magique. Ceux qui la possédaient vivaient dans un autre monde. Dès que la dame en blanc et noir s’illuminait, je n’existais plus. Tous les gosses idolâtraient désormais un autre chef de bande. Je perdais sur eux mon pouvoir, et mon influence de chef accepté. Quoi que je propose le dimanche, à l’heure de Du Guesclin, Thierry la Fronde ou du film de Cow-boy, rien ne pouvait plus désormais les faire changer d’avis. Ce maudit écran me délestait de mon maigre pouvoir.
Fin lamentable d’un règne absolu. La télé avait réussi sans bruit avec ses images un fabuleux coup d’état, elle me dépossédait de tous mes titres fièrement conquis.
Ces sales gosses heureux possesseurs du jouet, avaient tout vu et tout entendu. Ils devenaient ceux qui savaient avant les autres. Et moi j’étais ignorant. Je redevenais cancre de ne pas avoir la télé. Je n’avais pas la télé, alors je ne pouvais me mêler à la discussion. Je me souviens bien de ce rejet, je les écoutais sans pouvoir participer à la conversation. Alors pour ne pas paraître idiot, pour éviter a nouveau le bannissement j’inventais des cabanes à construire, des arcs et des flèches à tailler, mais rien n’y faisait. Je reculais d’un pas, je m’excluais du cercle des érudits. Putain ! que ce fut dur à vivre cette exclusion !
Je repense soudain à un grand écrivain marocain que je découvre seulement aujourd’hui, Mohamed Choukri. Lors d’une discussion politique à la terrasse d’un bar je crois, il fit une remarque à l’homme politique en campagne électorale. La seule réponse qu’il reçu du candidat fut cinglante : « Tu ne peux te mêler à la discussion, tu ne sais ni lire ni écrire. » Cette phrase de la honte déclencha chez lui la frénésie d’apprendre, il devint instituteur et écrivain.
Inlassablement, surtout le dimanche après-midi, je cherchais niaisement la compagnie de Richard ou Joaquin, les chanceux qui possédaient une télé. J’espérais parmi eux le dimanche, partager le western de l’après midi. Mais rusés l’un et l’autre, affranchis à présent de la puissance de frappe que leur prodiguait la nouvelle arme, m’obligeaient alors à négocier et accepter souvent leurs jeux idiots.
Un jour en cachette je suis monté sur un pylône téléphonique pour voler des images de la télé de Richard. Il habitait au premier étage, je pouvais ainsi de l’autre coté de la rue suivre au moins les images. Il s’en aperçut et se décala juste assez pour me cacher l’écran. Je redescendis la rage au cœur et la honte au poing. Ce n’est pas la rouste qu’il reçut quelques jours plus tard qui me consola. J’avais eu envie de lui crier « Souviens toi de la télé ! ».
Mais la vérité d’aujourd’hui c’est que je mendiais pour regarder la télé, je quémandais un instant de bonheur furtif. Malgré cela, très rarement, j’étais invité à regarder le « cow-boys » du dimanche.
Je me revoyais au cinéma de Midelt, le Rex où les AYAKATSIKAS, les propriétaires, m’invitaient gratuitement pour voir tous les films de Cow-boy que je voulais. Pendant ce temps, mon père les défiait au billard.
Je pleurai souvent parce que les indiens mourraient tous et toujours. Moi j’aimais les indiens, j’étais toujours pour eux, contre les méchants cow-boys. Il y avait aussi des indiens Pieds Noirs, c’est ceux que j’aimais le plus. Sans doute étaient-ils comme moi une race en déperdition, en disparition, des exilés sur leur propre patrie.

03 mai 2008

Mes années colleges (épisode 10)


La vie s’écoulait beaucoup trop péniblement et lentement à mon goût. Elle se construisait autour du frénétique rendez-vous radiophonique de douze heures quarante cinq du jeu des mille francs et la pièce de théâtre policière du mardi soir.
Ah ! Lucien Jeunesse ! Le jeu des mille francs ! Le rendez-vous qui ne se manquait pas ! Dès le générique, la maison elle-même cessait de gémir, les meubles ne craquaient plus. La smala, père, mère et oui mère aussi, frère, et moi, avides de connaissance s’enroulaient autour de l’unique poste de radio. Notre seule concession à la société de consommation. Chut ! Lucien Jeunesse pose la première et éternelle question :
- Question bleue de Monsieur Tartanpion de Issy les Moulineaux, que désigne t’on par le mot : bla bla bla bla !!!!
Silence, le candidat réfléchit. Lucien aime les candidats alors il glisse un petit tuyau. Il aide intelligemment.
Derrière, nous entendions le xylophone égrener le temps, chaque seconde un ding, soixante ding et ding, ding dong…. Le candidat n’avait pas répondu. Désolé pour le candidat, Lucien Jeunesse revenait à la charge.
- Deuxième question bleue de Madame Pierrette Julien, une habituée de l’émission, que nomme t’on par « bla !bla !bla !!!!
Mon père répondait toujours le premier et traitait souvent les candidats d’ignares…
Le temps s’écoule au rythme du xylophone.
Lucien Jeunesse posait six questions, trois bleues, deux blanches et une rouge. Il fallait répondre aux six questions pour tenter le banco de 1 000 frs et si vous réussissiez vous tentiez le super banco de 3 000 frs. Si vous n’aviez que 5 réponses, monsieur muscle entrait en jeu. Sur son home traîner, il devait parcourir une distance minimale en quelques minutes. Le public chauffé à blanc encourageait le candidat régional ! Super ! Super, Super banco criait alors la salle, ou plutôt le cirque, car c’était au sein du cirque Pinder que se déroulait l’émission culte française de 12h45
Un jour le cirque Pinder avait planté son chapiteau à Foix. La veille sur France Inter, à la fin du jeu Lucien Jeunesse terminait toujours par :
- A demain, si vous le voulez bien. !
Bien sur que nous le voulions bien, nous ne manquions jamais notre rendez vous culturel.
Apres le jeu, un speaker à la radio, nous dévoilait la question énigme qui permettait de trouver une enveloppe cachée dans la ville. Ce sésame nous donnait alors le droit de participer au jeu.
Toute la famille et quelques amis furent réquisitionnés pour traquer le Graal caché dans les entrailles médiévales de la ville de Foix. Nous croissions d’autres traqueurs de trésor, c’est avec une extrême méfiance comme des chercheurs de champignons, que nous répondions à leurs questions. Il ne fallait pas les aider en leur signalant où nous avions déjà cherché.
Nous n’avions pas trouvé l’enveloppe, mais nous sommes allés quand même au cirque. Les autres gosses rêvaient de clowns, de tigres, de lions. Moi, je n’attendais qu’une chose, voir mon idole Lucien Jeunesse, et voir pour de vrai le jeu des milles francs.
Je n’écoute plus que très rarement France inter à cette heure là. Quand cela m’arrive, c’est Louis Bozon soixante dix ans qui a prit le relais avec talent. Les euros ont remplacés les francs. Je me revois pitchou à Serres. Je n’en doute pas, « Il » est là, et « Il » répond toujours aussi vite aux questions.