28 décembre 2007

Mes années France ( épisode 20 )

C’est près du restaurant « chez Nine » à la Mouline, que nous avons déposé à nouveau nos bagages. Cela se fit vers la fin de l’année et nous avions pu fêter Noël en famille, Claude mon frère, était là il avait décidé de travailler avec mon père
Lui le matheux solidement armé de deux bacs avait décidé de suivre mon père, et d’embrasser le noble métier d’éleveur de moutons.
Et comme toujours le « coffre fort » de ma mère resta étanche à la fête. Ni son mari, ni ses enfants ne trouvèrent le code secret. Elle n’aimait rien de ce pays. Les gens et le pays le lui rendaient bien. Elle se verrouillera définitivement comme un vieille huître perlière avare de sa précieuse marchandise. Si vous voulez vous imaginer ma mère, surtout n’allez pas chercher le style de Marthe Villalonga dans « Un éléphant ça trompe énormément ». Elle n’est pas du genre « mon fiiiiiiiiiils »!!!!!!! Mais plutôt, proche de la so british Charlotte Rampling.
Elle vivait certes, mais je crois pouvoir dire que ces années là ne comptaient pas ! Ne comptent plus !
Cet été là, j’appris le métier de pâtre. Je remplaçais définitivement mon père. Point de vacances, il fallait aider la famille. Ce morpion vagabond sera bien à l’aise là-haut dans la montagne pour garder les moutons de Layrole. Il aime les bêtes, il sera servit. Il a toujours son lance pierre dans la poche, il s’en servira.
Le matin très tôt nous montions à Layrole mon frère et moi dans la 4L poussive et cabossée de papa. Nous n’avions pas trop confiance dans sa conduite, les quatre ailes froissées et enfoncées nous le prouvaient chaque jour. Aucun de nous n’osait lui dire, tant il nous étouffait par son charisme, son autorité, et parce que chez nous, nous respections notre père.
Pendant ce temps mon frère et mon père eux s’apprêtaient à terminer le plus rapidement possible les parcs à mouton, et nettoyer les parcelles toujours enfouies dans leur passé sauvage.Même si à certains moment j’avoue humblement avoir détesté et haï Layrole pour les vacances que cette ferme de montagne m’avait furieusement dépouillé, je ne m’aperçus pas forcement de suite que les seuls instants où j’étais vraiment bien, en accord complet, mon puzzle reconstitué sans faille, c’était bien là-haut dans ses bras protecteurs, dans les près, en gardant les moutons. Cette propriété m’avait sournoisement envoûté sans que je ne m’en rende compte

22 décembre 2007

Joyeuses Fêtes


A tous que cette fin d'année vous soit agreable et pleine de joie
Que de la nouvelle naisse enfin la paix des hommes du nord au sud , et des toutes les croyances
Longue vie aux hommes de bonne volonté
amities
patrick
P.S: Ma chatte doit etre tres croyante et se joint a moi

16 décembre 2007

Mes années france ( épisode 19 )

Layrole devenait chaque jour un peu plus le refuge et le confident des rêves perdus de mon père et de ses nombreuses désillusions falsifiées.
Je crois moi que mon père avait Layrole pour « mère ». Il aimait trop cette terre pour ne pas y retrouver la relation charnelle, et la consolation de sa mère qu’il n’a pour ainsi dire pas connue, de l’apaisement qu’il cherchait sans trop d’espoir, et qu’il ne trouvait pas dans son environnement proche.
N’y a-t-il pas aussi pour pleurer seul là-haut luttant contre ce sort qui s’acharnait tant sur lui, sur sa maladie qui empirait, sur cette femme qui le détestait et qui pourrait au moins l’aider par quelques mots ou gestes affectifs. Et ce gosse qui s’enferme peu à peu dans un mutisme paralysant, stressant. Que va-t-il devenir ? Il ne devine même plus ce qu’il pense, il semble ne plus avoir de sentiment pour personne, seuls les animaux et la nature semble l'émouvoir.
Ses rêves vagabonds terminés ? Il fixait les magnifiques Pyrénées là-bas au loin. Elles lui rappelaient le moyen Atlas, Midelt l’hiver sous la neige, et El Ayachi sa montagne. Un sourire chemine lentement sur son visage buriné et fatigué. Il devait ensuite se lever, saisir péniblement son bâton, jeter sur ses frêles épaules courbées, la trousse de secours pour les moutons, et partir garder ses animaux. Il les surveillait d’un œil attentif, pendant qu’il défrichait, nettoyait ou construisait des parcs. Il rêvait d’un lendemain enchanteur auquel il continuait de croire désespérément, il n’avait pas d’autres rêves pour continuer à vivre. S’il ne rêve plus, il s’en ira…………….
Mais pour quoi ces rêves de futur ? Et pour qui surtout ? Pour lui seul à présent, pour ne pas mourir trop tôt ? Il pointera son nez à l’aube du XXIème siècle, nous jurait-il un jour.
Nous vivions toujours aux gîtes ruraux de La Mouline qu’il faudra restituer bientôt, et aller vivre ailleurs, l’été approche, et le prix des locations estivales est bien trop élevé pour nous. En attendant que la maison de Serres veuille bien timidement s’ébrouer des ronces que mon père, mon frère et moi tentions de faire disparaître, avant d’entamer la réparation de l’intérieur de son antre.
Peu à peu la craintive nous apparaissait. Bien des décennies cachées à l’ombre de ces plantes voraces l’avaient rendu plutôt méfiante et craintive vis-à-vis des étrangers, et qui plus est, des pieds noirs rapatriés. Mais ceux là semblent bien sympas, ils nettoient et lui rendent sa vie. Elle s’apprivoisera facilement tant elle a envie de montrer à ses voisines espiègles et moqueuses depuis si longtemps, sa beauté et sa splendeur d’antan, elle la maîtresse de ce bourg. Elle exhibera sa plaque 1739, les autres devront s’incliner, elles lui doivent le respect
Notre pauvre voiture servait de tracteur. Elle mourra même un matin de ce traitement singulier. Bien triste fin que celle d’un véhicule qui avait su si bien nous rapatrier en France sans broncher, ni rechigner à la tâche. Triste mort que celle de cette Taunus. Elle expurgera sa peine comme toutes les voitures de paysan à l’abri des regards moqueurs dans un champ bien loin, rongée par la rouille vengeresse, et camouflée du déshonneur par les ronces qui ne manqueront pas de se venger. Elle sera remplacée sans une larme, par l’inusable 4l Renault.
Ainsi va cette année 1965. Le couscous, tajine, méchoui, merguez, Enrico Macias et Marthe Villalonga ont pacifiés la France au nom des pieds noirs. Nous sommes devenus des curiosités culinaires très mode, des chanteurs nostalgiques, et des mères excessives. Le français rigole bien, mange bien, l’intégration fait son chemin lentement dans les esprits grâce à eux.
Johnny épouse Sylvie, France Gall n’est qu’une poupée de cire, pour Herve Villard Capri c’est fini, enfin, Jean Ferrat pleure le Potemkine
Le déménagement vers notre nouvelle maison à Serres ne se fera pas encore. Le temps manquait et la maison n’était pas encore totalement habitable.
L’argent aussi nous manquait cruellement, j’entendais parler de se « serrer la ceinture »…... d’économiser…… de faire attention……… Que des mots qui me mettent mal à l’aise ! Dont je ne comprends pas forcement bien les conséquences.

09 décembre 2007

Mes années France ( épisode 18 )

Voyons,……………….. la parcelle 132548a.
L’oeuvre destructrice du temps qui n’en fait qu’à sa tête, était passée par là. Rares furent les parcelles déclarées plusieurs décennies auparavant en terres cultivables ou prairies naturelles, à ne pas être redevenues sauvages, reconquises impunément et patiemment par les armées de châtaigniers, les fougères, les ronces ou les genets.
Je cherchais le trésor. Où pouvait-elle bien être cette parcelle ? Je dirigeais toujours mon enquête en premier vers les numéros les plus proches des taches jaunes déjà conquises. J’étais si heureux qu’elle puisse agrandir encore un peu ma zone de coloriage, et qu’elle continue à garnir laborieusement mon cahier de coloriage géant.
Parfois je devais m’éloigner un peu, cherchant dans l’immense désert des numéros perdus le bon numéro, celui que j’allais avec enthousiasme et méthode colorier de jaune. A l’approche de mon crayon, j’entendais bien les parcelles s’agiter espérant chacune d’elle être l’élue, celle que nous venions d’acheter. Elles levaient le doigt. Moi ! Moi ! Moi ! C’est moi le 132548a. Point de tricherie ! Je continue mon enquête. Déçues de ne pas être de la liste, déçues de ne pas avoir été achetées, synonyme de résurrection, elles attendraient patiemment le prochain achat, c’est certain, ce pied noir un jour ou l’autre possédera toute la montagne.
Fougères, ronces, arbustes désormais indésirables devaient abandonner sans conditions ces parcelles avant que les moutons rageurs et gourmands ne reviennent, et ne lui redonnent la splendeur de prairie d’autrefois.
Les colchiques bleus du printemps, les marguerites blanches, pissenlits jaunes, en été reviendront à nouveau pacifiquement les coloniser.
J’étais fier quand le numéro se trouvait proche d’un îlot déjà repéré par sa couleur, preuve irréfutable pour le gosse que son papa avançait lentement, mais sûrement dans sa quête. Certain que peu à peu, tout mon cahier serait tout jaune un jour. Happy end !
Mais aussi railleur quand le jaune se trouvait à perpette, au diable Vauvert. Si loin qu’il fallait aller chercher un autre plan cadastral. J’en faisais la remarque à mon père en gérant méticuleux de la mission confiée à son enquêteur particulier.
« Je n’avais pas le choix fiston, si je veux un jour transformer cette montagne difforme et perdue en propriété digne de ce nom, il faut tout prendre. Un jour qui sait, nous arriverons jusqu’a cette parcelle isolée qui te tracasse ».
Ragaillardis par ses mots, je me fixais l’objectif moi aussi qu’un jour j’irai colorier toute la carte et que c’était pour mon papa que je faisais cela. Je découvris avec plaisir et jouissance l’instinct de propriété, le plaisir de posséder un chez soi, un truc à soi que vous avez gagné par le travail, le temps, et la patience d’avoir su attendre.
Il ne restait à présent qu’un seul habitant au village. J’aimais le rencontrer, bien que je le vis plus souvent blotti dans sa chaise au coin du feu que dehors. Il me paraissait très vieux, très pauvre et presque cassé en deux par la solitude.
« Il fut un temps, fiston, vers 1900, me contait le dernier septuagénaire du village, il y avait ici presque 300 moutons et 800 vaches. Nous étions plus de 20 familles. Il n’y avait que des prés et quelques forêts bien entretenues pour le bois, les châtaignes, les champignons et l’abri naturel que ces vastes étendues nous apportaient. Aujourd’hui, les ronces et les genets reprennent possession du village. Les toits s’écroulent et les habitants ont fui. Il ne reste que moi et ma solitude, après ce sera la fin ».
Une larme de sa jeunesse et de son passé glissa lentement le long de sa joue, de son visage buriné et amaigri par les souvenirs qui le tenaillaient. Ses yeux trahissaient soudainement sa longue attente pour aller rejoindre les siens là-haut. Ceux d’avant, les « Paougagnous », (les gagne peu) les………….je ne m’en souviens pas de noms en patois, j’aimerai parler patois, et utiliser comme lui ces diminutifs affectifs, plus usités que les noms de famille. Ceux qui donnaient la vie au village, ceux qui entretenaient durement et inlassablement, les prés, les murettes et les bois. Le rude paysan de la montagne qu’il fut resta silencieux, me regarda gentiment, affectueusement je crois, semblant me dire, « je suis fatigué aujourd’hui, reviens demain ».
Je me retirai en silence de cette maison sans lumière. Avait-il seulement l’électricité ? Je ne sais ! La cheminée semblait être le centre de son univers. Elle cuisait sa maigre soupe, grillait les châtaignes que je lui portais de temps à autres, au grès des lieux où j’allais garder les moutons. Il y vivait, assis sur une chaise basse qui lui permettait de se glisser sous l’immense hôte qui le protégeait, telle une couveuse en recherche de maternité bienfaitrice.
Tous les jours, quand je passais devant sa maison avec mes moutons, je m’arrêtais chez ce vieil homme attachant qui me racontait la vie et les légendes de Layrole, celles d’avant la fin de son monde, celles d’avant l’exode, celles quand il était jeune et fort bien sûr, celles de la guerre où même ici des jeunes ne sont jamais revenus du Chemin de Dames ou de Verdun.
« Ils étaient rudes nos garçons, rudes au froid, à l’effort, pas bien malins, faciles à commander, faciles à livrer en pâture aux canons ».
Notre vieil homme n’attendait plus qu’un seul cadeau de la vie, il attendait que le temps fasse son effet, le plus rapidement possible. Le silence gagnait la pièce engourdie par le froid dés que l’on s’éloignait de la cheminée. Je respectais religieusement son deuil, il devait revoir ces braves gars……………Après un soupir, il reprenait : « Avant, c’était trop dur. Tu vois, même ton père tous les jours avec sa 4L, il en bave. Je le regarde parfois, dommage qu’il ne soit plus si jeune, il en aurait abattu du travail, je suis sûr qu’avant la fin il aura refleuri tout Layrole.
Imagine-nous, quand il fallait, à pied ou en carriole à vache, descendre à Serres pour acheter quelques rares besoin. Un vêtement devenu si vieux qu’il ne restait plus qu’à rapiécer les pièces. On achetait aussi des clous, du vin, un outil, du sucre et encore pas tous, ferrer les vaches, ou vendre une bête !
Pour le reste on se faisait tout. L’huile, c’était le gras du cochon, des canards ou des oies que l’on conservait dans des « grichets ». Le savon, un mélange de cendre et de graisse. Les seuls fruits, les pommes et poires de nos vergers. On fabriquait des ballais avec les branches de genets. Les poules, les canards, les lapins et le cochon c’était la viande. Les œufs complétaient notre pitance Les légumes venaient tous de nos malheureux jardins. Ici on avait au moins trois semaines de retard sur la plaine, souvent le gel et le froid des hivers précoces nous volaient nos récoltes.
Tu as remarqué les fours dans les maisons ? Cette bosse dans le mur ? Et bien, nous y faisions cuire le pain une fois par semaine, parfois même pour le mois. La farine venait du blé, de l’avoine, ou du seigle du « Plat » la seule parcelle un peu moins pentue que les autres. Tu la connais ? Elle se situe sur le chemin qui mène à Sahuc. La vie était dure. Mais quand même, nous n’avons jamais eu trop faim. Et puis, j’étais jeune ».
A nouveau, il se fatiguait, ou bien était-il rattrapé par sa nostalgie qui lui serrait la gorge. Les mots se faisaient attendre. Sa voix de plus en plus douce s’interrompait lentement jusqu'à ne plus être audible. Je repartais doucement. Il s’endormait je crois sur sa chaise près du feu, si près qu’un matin je le trouvais face contre terre, il avait rejoint ses amis. Le feu l’avait en parti consumé.
Il ne n’avait jamais parlé de son présent, de ce qu’il aimait ou de ce qu’il détestait. Avait-il de la famille ? Des parents ? Avait-il été marié ? Avait-il eu des enfants ? Pourquoi était-il resté si seul dans ce village sans âme ? Pourquoi, comme les autres, n’avait-il pas rejoint un parent qui l’attendait à la ville ? C’est maintenant qu’il n’est plus là que je me pose toutes ces questions! J’aurais pu, si je n’avais pas été si égoïste le questionner sur sa vie à lui.
Peut-être, avait-il envie de m’en parler, peut-être même a-t-il vainement tenté de le faire et s’est ravisé, se doutant que mon attirance vers lui ne venait qu’exclusivement de son passé. Alors pour ne pas me perdre, il s’était sacrifié à l’hôtel de mon orgueil. Il était sûrement content que ce jeune gosse d’à peine 11 ou 12 ans s’intéresse à lui. Il y a bien trop longtemps qu’il ne parlait plus qu’à son chat, et encore seulement les jours où ce sauvage mal dressé choisissait la douceur de la cheminée et les genoux cagneux de son maître, plutôt que la cour effrénée qu’il menait régulièrement aux chattes du village redevenues sauvages.
Le lendemain, un véhicule spécialisé l’emporta vers ses amis qui l’attendaient patiemment là-haut, les bras ouverts, il ne manquait plus que lui !
Tu en as mis du temps !
T’étais si bien en bas ?
Je ne sais même pas s’il y avait une seule personne à son enterrement. Moi je n’y étais pas, je ne sais plus pourquoi.

06 décembre 2007

Un grand merci à tous

Un souvenir
Au milieu le mouflon qui a rencontré ma mere
au centre ma mere la "tigresse au fusil"
A droite mon frangin
En haut a gauche "le chasseur de l'Atlas
A droite droite" la pigot pied noir"
Je viens de dépasser les 10 000 visites, depuis un an je n’en suis pas fier, mais je n’en suis pas indifférent non plus
Le vous remercie à tous, de vos passages avec ou sans messages
Je remercie particulièrement
Les habitués
Les abonnés
Ceux qui sont devenus je crois nos amis, mes amis. (Sans aucun ordre)
Claude : http://saliberte.unblog.fr/
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Et Josie, Majid blal qui n’ont pas de blog et qui me rendent aussi de belles visites
A tous que vos blogs illuminent la blogosphere
Je vous apprécie (aime) parce que vous avez je crois un point commun
« Une belle et grande ouverture d’esprit prélude à la tolérance »
Encore merci de vos passages et vos commentaires
Votre modeste blog « pas a pas »

02 décembre 2007

Mes années France (épisode 17)

Ce qui ne changeait pas c’était le caractère exécrable de ma mère, qui de plus en plus s’enfermait dans un drôle de mutisme exacerbant et inutile. Elle n’en sortait que pour étaler ses nauséabondes critiques à mon père, qui lui n’avait plus qu’une seule idée en tête, s’en aller le matin de bonne heure pour aller travailler la petite ferme que nous avions achetée, là-haut en montagne à Layrole. Il n’en revenait qu’à la nuit, espérant que ma mère avait dans la journée vidée son seau de fiel jusqu'à la lie.
Sans doute le travail ne manquait-il pas la haut, je crois aussi que dans les pâturages de Layroles, il y était bien, il pouvait à son aise seul, s’évader de France, retourner, revenir sur ses pas, chercher la trace encore fraîche de son bonheur ; jadis à Timexaouine, Imintanaoute, Midelt,………. il était jeune…………et la vie y était belle…………..
Le travail avançait et la fatigue se faisait toute petite pour le laisser gambader dans la foret des singes, saucer l’huile chaude du moulin, chausser ses Pataugas et s’en aller à Arbalou N Serdane ou Boumia.
Le village de Layrole est situé à environ 700 mètres d’altitude, et à environ 5 km de Serres sur Arget, en direction du col des Marrous. La route goudronnée vous abandonne à l’intersection avec la route de Sahuc le village voisin. A partir de cet instant il fallait être prudent tant la route était en mauvais état surtout en hiver où le risque d’accident vous guette à chaque virage.
Mon père avait acheté cette propriété sans la voir, sur plan. Il n’a jamais imaginé qu’elle se situait en montagne. Les collines et les bosses s’étaient camouflées sur le plan cadastral que l’agent de la mairie lui avait envoyé au Maroc. Elles se découvriront par la suite.
Je crois aussi que ces terres malignes et abandonnées, pauvres et oubliées de tous, se sont faites toutes plates sur le plan cadastral pour attirer ce doux rêveur de français qui allait leur redonner leur liberté et leur splendeur d’antan. Comme les animaux d’un refuge devant l’adoptant potentiel, elles se sont faites belles, et suppliantes, le grand jeu de la séduction.
Quand je dis « achetées » ce n’est pas tout à fait exact, il avait plutôt reconstitué avec le temps un semblant de terres qu’il avait réunies à nouveau, et qui très modestement pouvaient s’attribuer le nom de propriété. Il commença son immense patchwork parcellaire en 1965. Petit morceau par petit morceau, années après années, rêves après rêves, avec patience et minutie.
Il ne cherchait qu’à acheter les terres agricoles, mais les propriétaires locaux, chanceux de trouver un acheteur si rare depuis l’exode rural, exigèrent tous, que les maisons soient solidaires des terres. C’est contraint qu’il acheta terres et maisons, parfois dans un état de délabrement avancé, se retrouvant ainsi à la fin de son œuvre de reconstruction propriétaire de 75 ha, de 17 maisons, et 124 numéros de parcelles.
Un immense puzzle grandeur nature.
Les maisons frileuses en granit local gris et triste se tenaient au chaud, serrées les unes aux autres, coude, à coude à flan de coteau, le dos adossé à la colline. Les toits de tuile souvent invisibles, ravagés et camouflés par la mousse, ne dépassaient guerre la hauteur du talus pour mieux se protéger du vent mordant des trop longs hivers carnassiers.
Elles se rejoignaient toutes en un point le lavoir, papotaient un peu sur le salle temps et le brouillard, se serraient la main en signe d’amitié et de solidarité. Puis de là sur deux longueurs toujours côte à côte, en forme de V, allaient conquérir la colline protectrice.
Seules deux maisons étaient isolées. Fâcherie familiale ? Etrangers refoulés ? Sorciers ?
Je me souviens qu’à cette époque, à la sortie de chez notaire, il me confiait dès que nous arrivions à la maison, les numéros des parcelles achetées. J’allais dans l’armoire sortir le plan cadastral de Layrole, je saisissais toujours le même crayon de couleur jaune et menait mon enquête.