Ce jour là :
« Patrick venez chercher votre baffe »
Assis dans son fauteuil dominant la classe du haut de son estrade, et de son orgueil, il puait la connaissance de celui qui croit savoir. Il venait de cracher sa phrase préférée. Celle qui le faisait rire et jouir aussi.
Humiliation suprême que de devoir se lever, escorter les bourgeois de Calais avec sa tête sur un coussin. Tendre sa joue pleureuse et craintive, humblement. Des tremblements de haine dans les poings serrés à s’en faire saigner les doigts et le coeur. La gifle part, son rire sadique accompagne ma douleur, elle m’explose la joue droite et la gauche. Je regarde le prof dans les yeux, arme mon revolver, et comme ma mère face aux douaniers l’abat d’une balle en plein front. Lui aussi sera enterré dans la forêt de Tederrs ou d’Oulmes ! Je retourne à ma place. J’ai fais pipi dans le pantalon. Je dissimule tant que possible mon avilissante réaction à la peur.
Les mains vengeresses devant moi, je cache cette tache disgracieuse. La scène est toujours présente là quelque part.
Je venais d’inaugurer l’école de Jules Ferry et l’affection brutale de l’un de ses représentants. Je ne suis pas rancunier mais j’ai de la mémoire, mon temps et le sien viendront !
Le premier jour dans cette école primaire, je devais être la bête de foire, la créature curieuse, non pas l’écolier qui vient d’une autre commune ou tout au plus d’un autre canton éloigné, non j’étais l’étranger, celui qui vient d’ailleurs, qui ne mérite qu’un regard méprisant. Les écoliers de Serres sur Arget découvraient là devant eux à quoi pouvait bien ressembler un pied noir. Une espèce bien rare dans cette contrée. Cette race que tous les ragots malveillants avaient colporté jusque dans la montagne.
Nous étions les seuls pieds noirs des environs, plus précisément j’étais le seul puisque né en territoire marocain, et je comptais bien sur cette atypisme pour me faire remarquer, maintenant qu’ils connaissaient mon lourd secret de Pied noir rapatrié. Je devais m’imposer à eux qui n’étaient après tout que des Ariégeois, et moi le chasseur de l’Atlas.
Je me doute que toisé de haut en bas les gamins s’attarderaient sur mes pieds pour vérifier s’ils étaient réellement noirs. La question qui les démange, viendra bien assez rapidement. J’avais minutieusement préparé la réponse, il ne fallait pas caler et répondre :
« C’est parce que au Maroc seuls les européens portent des chaussures et comme elles sont noires, nous sommes les pieds noirs. »
Oui, bof ! On m’avait dit de dire cela, je le disais, mais franchement, je n’étais pas persuadé du tout de cette imaginaire théorie. Moi d’abord au Maroc je n’avais pas de chaussures aux pieds. Et quand il fallait en mettre c’était plutôt des claquettes. Pour mes parents c’était simple, Pataugas tout le temps, Pataugas pour la chasse, Pataugas pour tous les jours, et Pataugas spéciales pour le dimanche.
Un Ariégeois français et un pied noir français c’est pareil ! Normalement ! Point du tout, dans leur tête j’étais l’étranger, l’esclavagiste, le riche, et pas d’ici. De la bas de ce pays, et pas d’ici, pas de Serres sur Arget. Nous n’étions en France que pour usurper les terres et les maisons des vrais français ! C’est ce qu’ils entendaient dans leurs chaumières le soir à la veillée ou devant la télé noir et blanc, comme leurs âmes !
« Et en plus ont leur prête de l’argent à des taux que nous les paysans d’ici on a même pas le droit »
« Ils se sont foutu du pognon plein les poches et en plus le crédit agricole les enrichit en France »
Rengaines inlassables et fatigantes, qui nous accompagnait depuis notre arrivée. Toutes pas forcement ciblé sur mon père. Mais bien entendu, tous les pieds noirs se ressemblaient, comme tous les chinois, tous les arabes et tous les noirs de la planète. Celui là comme les autres.
Il ne fallait surtout pas répondre, ni se justifier. Nous soufrions tous de cela en silence, la chaire meurtrie, il fallait accepter, et s’intégrer par l’exemple, s’intégrer par l’exemple, s’intégrer par l’exemple,.s’intégrer……..
18 commentaires:
Ce qui est formidable dans l'éctiture c'est que l'exercice nous amene à un moment donné ou l,autre de s'abandonner. De ne plus être préoccupé ni par le lecteur ni par le deuxième qui se mat à l,infinitif. On se laisse aller à commettre l'émotion pure. On accepte son hypersensibilité et on accouche de merveilles. On ne focalise plus on se raconte et Vlan, on dépose dans les bras du lecteur des moments privilégiés avec une inscription à la marge " Je deterre les mots de la forêt de Tidders ou d'Oulmes" Bravo un pur délice écrit avec tes trippes qui sont montées rendre le coeur si gros qu'une boule ronronne encore dans ta gorge.
En ce qui les Pataugas, c'étaient mes préferées. Dans les batailles pendant la recreation J,exhibait d'abord les pataugas comme si c.étaient elle qui allaient se battre.
amitiés majid
à s'abandonner
Ton prof était une sacrée peau de vache! mais maintenant il faut s'accrocher avec les enfants c'est l'inverse, c'est toi qui te fait humilier avec l'appui de leurs parents!.Tu m'as appris l'expression "pieds noirs " que je ne connaisais pas.
S'intégrer...un bien grand mot qui cache tellement de souffrances parfois. L'immigré qui doit s'intégrer est souvent conduit, par respect pour lui-même et aussi pour le groupe qui lui a donné mandat de s'exiler,à dissimuler ses souffrances liées à l'immigration et à encourager de nouveaux départs.
Je t'embrasse Patrick.
Bonsoir Patrick,
Message fort bien écrit. Je rejoins majid pour dire que tu as de la graine d'écrivains, mon ami.
De surcroit tu nous gratifies de temps à autre d'un vocabulaire qui nous ramène tout droit aux années soixante. Ah le fameux Pataugas, une aubaine pour nos talons et nos petites chevilles, qu'il vente ou qu'il neige ils étaient au confort. Gares également aux gravillons et à la pierraille qui dépassent, ils goûtaient systématiquement à la pointe de nos défenseurs inconditionnels, nos inséparables Pataugas....
Bonjour, Patrick,
Au moins il te vouvoyait !
Tu aurais préfèré plus de considération même avec tutoiement comme nous qui nous tutoyons tous..
Mais où est-il passé le premier celui qui venait aussi de "là bas" ?
En Côte d'Ivoire, nous avions des méduses au pied ! tout le temps. J'ai une photo sur mon blog où mon petit frère et moi avons ces méduses. Pratiques pour aller patauger dans la boue dans un pays tropical. Je ne pouvais pas marcher pieds nus et pourtant nous avons essayé. T'étais fortiche, toi !...
Bonjour S.Abdelmoumene et Majid blal
Je me propose de vous répondre ensemble. Vos éloges me vont droit au cœur, directement droit vers mon clavier qui va tenter de continuer à vous mériter, surtout venant de deux écrivains dont je ne cesse de redire que vos blogs méritent un large détour de lecture
J’espère que la graine que vous semblez discerner chez moi d’un possible écrivain accouchera d’un roman où j’essaye au travers de mon père et moi de raconter deux beaux pays traversés par un gosse pommé qui s’est reconstruit doucement après la douloureuse rupture de son départ de Midelt
Les pataugas, la pub sur le chocolat banana, la lessive Omo, sont des souvenirs si forts qu’aujourd’hui encore j’y repense avec nostalgie
Encore merci a vous deux
Amitiés
Patrick
Bonjour lyliane
Merci de ta visite
Oui on peut dire que nous avions là une vraie peau de vache, « baffeurs » de première et prof nul , mais tu verras ma vengeance sera a la hauteur
Le premier instituteur va revenir, je me projetais dans un futur proche seulement
Je crois oui qu’aujourd’hui cela devient difficile pour les profs, mais les bons sont toujours respectes
Amitiés
Patrick
Bonjour delphinium
Tu as bien perçu la difficulté des immigrés, du moins ceux qui veulent s'intégrer, ils sont souvent confondus dans la masse minoritaires de ceux qui refusent au contraire l'intégration. Mais ceux là n'ont ils pas été aussi un jour tellement rejetés qu'ils nous en veulent aujourd’hui?
Merci de tes passages réguliers
Amitiés
Patrick
Bonjour Cergie
Toi aussi, tu as des souvenirs de jeunesse, que sont les méduses? exacrtement,
il semble que tu t’en souviennes comme si c’était hier, comme moi
Mon instituteur va revenir bientôt rassure toi
Et ton comment s’est passe ton intégration
Amitiés
Patrick
Bonjour patrick;vous aviez eu des nerfs d'aciers des ait ihouderranes pour ne pas
déprimer dans l'ambiace hostile de l'école .
Les adolescents d'aujourd'hui glissent dans des problemes nerveux importants rien que pour des humiliations non intentionnelles quant sera -t_il pour une giffle.Par ailleurs c'est un bien beau texte,Bravo.Amitiés Mouhib
excusez ,qu'en et gifle merci
Bonjour dr Mouhib
Je n'avais des nerfs d'acier, c'est la peur qui régit le courage de ne pas se révolter
Ma révolte comme celle de ma mère constituait seulement à lui fixer les yeux et lui dire "même pas mal, mais tu payeras un jour" et ce jour viendra
Aujourd’hui une gifle à un gosse c'est la grève assurée et le prof renvoyé
Merci a vous aussi des éloges que je vais tenter de mériter
J’aimerai tant un jour que nous soyons tour autour de ce livre que nous aurons aidé a accoucher ensembles
Amitiés
patrick
Il n'y a rien de pire que de frapper un enfant! Rien de plus révoltant que d'humilier un enfant! Rien de plus triste que d'entendre un enfant pleurer!
Il y a quelques années, dans une rue de Casa, j'ai été révolté par des coups d'une rare violence qui s'abataient sur un enfant d'à peine dix ans! Son délit était d'avoir volé des fruits sur un étalage.
Mon intervention ou plus exactement ma venue suite aux hurlements de ce gamin a permis de faire cesser les coups!
Le lâche adulte m'a regardé avec honte et a demandé en arabe que l'on m'explique les raisons de ses coups qui pour lui étaient justifiés.
J'ai été scandalisé de constater qu'une ''troupe'' de badauds assistait à ce spectacle sans piper mot!
Tu sais Patrick, la lâcheté de l'adulte envers un enfant existe à mon grand regret toujours!
Mais quelle est cette sorte d'enseignant qui ne méritait même pas d'être avec des enfants ?
Je connais beaucoup d'ariégeois, j'adore l'Ariège et je suis révoltée par ce comportement !
Telle que je me connais je me serais vengée ou je lui aurais rendu sa gifle !
Je sais c'est facile j'étais petite dans les années 60 mais je n'ai jamais rencontré de monstre de cette catégorie.
Bon dimanche et Bises.
Bonjour fabrice
Je ne peux qu'être en total accord avec toi, je vis malheureusement aussi la violence quotidienne et la lâcheté de la masse
Il n'y a pas longtemps, l'été dernier au cirque de Gavarni j'ai été surpris par les cris d'une femme. Dans un près un homme la battait et apparemment cela ne gênait personne. Je suis descendu dans le près en invectivant l’homme, et je savais que s'il avait continué à la battre nous en serions venus aux mains
Tout à coup je n'étais plus seul mais au moins dix personnes, les loups venaient à la curée
Que l'homme seul et lâche et intrépide voir dangereux en groupe
Pas belle cette histoire banale
Merci de ton passage et a bientôt
Patrick
Bonjour Ihuna angélique
Se révolter c'était en « prendre une autre »
J’avais l'habitude de ce traitement, ma mère quand elle me mettait une rouste j'entendais en même temps « arrêtes toi de pleurer si non je t'en met une autre »
Cela te guéri vite des revendications, et referme une haine encore lus forte
Amitiés
Patrick
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