31 août 2008

Mes années college (épisode 17)


J’apprenais trop vite et j’étais doué. Décidément rien n’allait comme je le voulais. Si j’avais été très nul, peut être ne m’aurait-il pas embauché, quoi que j’en doute. Il n’était pas homme à me laisser passer les vacances à ne rien faire. Seul le travail est réparateur et force de vie pensait-il.
J’aimais conduire le tracteur et ses travaux d’été à condition que l’on me laisse faire, ce qui n’était jamais le cas. Les fais ci et fais ça m’énervaient au plus haut point. J’aimais faucher les foins, puis les faner pour que cela sèche mieux, endainer correctement pour préparer le passage futur de la presse à fourrage, la dévoreuse de foin. Puis pour finir, passer avec la remorque tout près des tas de balles pour charger et transporter le fourrage vers les granges de Serres ou de Layrole son ultime voyage.
Tout cela semble bien simple, mais il faut maîtriser chaque épisode de ce long cheminement entre la fauche et le ramassage, afin de faciliter la tache de celui qui va suivre. Ainsi un bon faucheur saura comment « prendre la parcelle ». Il choisira le sens de la coupe pour bien préparer le futur fanage. Faner, il faut savoir faner en tournant, il faut être à la place de celui qui va endainer dans les jours à venir, lui tracer un circuit pour qu’il perde le moins de temps dans la parcelle et éviter les manœuvres inutiles et fastidieuses dans nos prairies bien trop exigus
Ensuite emballer, trouver la bonne vitesse pour ne pas « bourrer » la machine et perdre un temps précieux. Le fourrage en été c’est la course contre le temps, contre l’orage. Faire du fourrage c’est être organisé, et météorologue à la fois. On dit toujours les paysans vivent avec le temps, en vérité ils vivent contre le temps et le subissent, surtout l’été avec ses orages soudains. J’aimais tant ces orages brutaux, parfois sournois mais toujours bruyants. Même si à cause de lui il fallait tout recommencer pour obtenir par la suite un fourrage de bien moindre qualité tout juste bon en litière.
Quand l’orage éclatait, j’aimais trouver un abri, une vielle grange par exemple. Je m’appuyais sur sa porte branlante et j’admirai la nature se recroqueviller sous ses redoutables assauts. Elle pliait son dos jusqu'à ce qu’il fut bien rond pour mieux résister au déluge, et à la foudre menaçante, le bras armé et vengeur de Monsieur orage. J’aimais cette odeur de terre mouillée, de champignons et de sous bois. Des entrailles de la terre s’évadaient alors les senteurs trop longtemps emmurées par la chaleur. Tous les effluves de cette mère nourricière me bondissaient aux narines en même temps que le grondement du tonnerre me persécutait les tympans. Il nous rappelait qu’ici, il était le maître absolu, qu’il faisait ce qui lui plaisait, et qu’il fallait composer avec lui de temps à autre selon sa seule humeur. Puis venait le temps de la réconciliation, l’arc-en-ciel nous rassurait. Il nous murmurait :
– Vous pourrez bientôt reprendre le travail. C’est terminé pour aujourd’hui, rentrez chez vous et reposez-vous.
Les arbres et les oiseaux s’ébrouaient, et reprenaient possession de leur domaine, la vie redémarrait, un instant interrompue juste pour laisser maître orage piquer sa colère.
Cela nous donnait à peine une journée de répit que nous employions systématiquement pour monter le fourrage de notre propriété de Serres, vers Layrole en montagne, là où les brebis passeront l’hiver.

Il semble que j’excellais dans ces domaines. Et comme c’est moi qui fauchais et en final conduisait le tracteur pour ramasser les balles, j’organisais mes chantiers à la perfection. Comme j’étais un fainéant je les organisais pour le moindre effort à venir. Ainsi je gagnais mes galons auprès de mon père, sa nouvelle version sur son fils se modifiait lentement
– Comme tu es un fainéant, mais intelligent, tu réussiras dans la vie.
Bien, que la première partie de sa nouvelle version ne changeait toujours pas, il semble que la deuxièmement devenait légèrement plus plaisante à entendre. Sans doute y avait-il là un compliment à prendre, je prenais acte.
Le troupeau de mouton lui était en transhumance, en vacances à la « Deveze » en altitude. Ce fut sans doute les meilleurs souvenirs de mon travail saisonnier. La transhumance, consistait avant tout en une longue marche 25 à 30 kilomètres le premier jour qui nous attendait entre L’Ayrolle et Serres sur Arget. Là les brebis se reposaient une nuit, avant la dernière étape de montagne, Serres sur Arget, La Deveze. Nous partions très tôt le matin vers 4 ou 5 heures afin de ne pas fatiguer les brebis, et de profiter au maximum de la fraîcheur bienfaitrice des matinées d’été. Le lourd sac à dos militaire nous sciait les reins tant il était chargé, à la fois du ravitaillement pour la semaine du berger, mais aussi de grillage, clous, haches, et de tous les ustensiles que le berger utilisera . Quand nous le pouvions nous empruntions un âne à un ami, celui-ci comme beaucoup de ses compagnons ne dérogeait pas à la réputation de ces animaux, il n’était pas toujours de bonne humeur. Il avait la salle habitude de s’arrêter quelques kilomètres avant le sommet. Sans concession, sans négociation. C’est ainsi que les différents propriétaires de la région se répartissaient sa charge sous le brame stridente et l’oeil moqueur de ce foutu animal.

14 commentaires:

Anonyme a dit…

Bravo pour le blook (Blog book!)
TEaki, la fille sur la photo...
www.teaki.net

Pas a pas a dit…

bonjour teaki
merci, en plus je viens d'apprendre un nouveau mot
a bientot
patrick

vincent a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
vincent a dit…

Superbe! magnifique! détaillé et évocateur.

Ton billet me fait remonter pas mal de souvenirs d'enfance.

Mes parents n'étaient pas dans l'agriculture mais les étés nous allions dans la maison de famille qui se trouve toujours dans ce hameau du cantal, une ancienne ferme transformée en maison "bourgeoise" au fils du temps. Mon grand père ayant quelques terres les louait et faisait engranger une partie du fourrage dans la grange accolée à la maison.

Ca sentait délicieusement bon. D'une porte intérieure surplombant la grange nous sautions dans ce foin jusqu'à ne plus pouvoir remonter à l'échelle. C'était pas très prudent car "on" pouvait y avoir oublié une fourche meurtrière.

Les autres occupations: tôt le matin, au levé du jour, le neveu du fermier passait me réveiller et nous allions détacher les vaches des mangeoires de l'écurie de son oncle. On conduisait les "salers" au pré et en milieu de matinée on "faisait les neuf heures" : un bout de pain, de Cantal et quelques rondelles de saucisson, et c'était reparti... A l'occasion, ramassage de chanterelles ou de "caps nègres" entre deux rappels à l'ordre d'une vache fugueuse.

Et on faisait aussi les foins avec la famille du copain. Là, c'était pas le tracteur. Y en avait pas beaucoup au début des années soixantes dans le cantal. Les foins étaient coupés soit à la faux dans les parties abruptes, soit avec la faucheuse tirée par des mules. Pas les équidés,mais des vaches spéciales pour l'attelage, dociles et patientes, et musclées comme des bœufs.

Puis les foins étaient endainés à la râteleuse tirée par les mêmes bêtes. Et une fois secs ils étaient chargés dans des chars en bois qui redescendaient leur opulent chargement dans les granges. Nous, les gosses on nous laissait monter sur le foin. Ca le maintenait en place.

les mules freinaient de tous leurs sabots sur les voies romaines (y en a encore pas mal dans le coin) et nous baissions la tête pour ne pas nous faire fouetter le visage par les branches basses.

Maintenant la grange de la maison ne contient plus de foin mais il reste encore un des chars en bois qui tombe peu à peu en poussière, quelques jougs de bois avec leurs lanières de cuir et de multibles accessoires liés à la fenaison. Dont un trépied (dont je ne me souviens plus du nom) portant une mini enclume servant à "repasser" les lames abimées par une pierre sournoise.

Quand j'y retourne l'été surtout et qu'un orage pointe son nez, j'aime bien moi aussi ouvrir toutes grandes les lourdes portes de la grange. J'aime aussi sentir cette terre mouillée et entendre les grosse gouttes de pluie pétarader sur la toiture.

Que de souvenirs!!!!!!!!!!!

Tu te rends compte!! je voulais juste dire encore une fois que nous avons des souvenirs voisins et j'ai fais un vrai billet. je crois qu'il va me servir. je vais l'étoffer un peu. Laisse le toutefois en place. Il ne fera pas double usage. Juré.

Merci encore pour cette belle page et à bientôt.

lynn a dit…

Bonjour Patrick,

Toutes mes félicitations, je suis heureuse pour toi.
Je lis à mon rythme les différents épisodes que j'ai raté pendant mon absence.
J'ai essayé de t'envoyer un mail, mais je me suis rendue compte que je n'avais ton adresse mail.
Bonne continuation
Lynn

Pas a pas a dit…

bonjour lynn
ci joint mon mail
pas-a-pas@club-internet.fr
tu pourras aussi si tu le veux,lire mon futur roman,il sera publié en janvier, les ventes commencent bientot, merci de ton passage, toujours tres chaleureux
amities
patrick

Pas a pas a dit…

bonjour vincent
je me suis toujours demandé si nous n'etions pas cousin tant nos souvenirs se chevauchent
c'est un magnifique spot que je verrai tres bien sur ton site
a bientot

vincent a dit…

c'est en voie de réalisation.
En effet. faudra qu'on se passe nos arbres généalogiques.
;o))

Cergie a dit…

Quel bonheur de lire ce plaisir que tu avais de maitriser ta tache. Tu en aoprles comme si c'était hier, sans doute parce que tu fais des piqures de rappel de ces sensations, le contact avec la machine, la connaissance des événements climatiques, etc etc.
Et cette fieté d'être à la hauteur des attentes de ton père. Peut être au delà car tu le surprenais.

Patrick, j'ai vu ailleurs que ton livre va être publié. J'en suis contente, j'aimerais savoir ce que cela donne une fois imprimé. As tu beaucoup "élagué" ?
Tiens moi au courant STP...

Pas a pas a dit…

bonjour vincent
nous sommes cousin cherche pas
amities
patrick

Pas a pas a dit…

bonjour cergie
j'en parle si facilement parce qu'a l'epoque ce furent mes conges forcés, alors les souvenirs restentb graves au fer forgé bien au rouge
pour le livre il commence en 1925 a l'arrivée de mon pere au maroc, et se termine vers 1975
il fera environ 250 pages
d'apres l'editeur c'est un tres bon recit
a voir maintenat s'il plait au plus grand nombre
je te ferai signe quand cela demarrera
amities
patrick

Thérèse a dit…

Une si belle narration aujourd'hui on revit soi-meme quelques instants... en fouillant le passé.

Pas a pas a dit…

bonjour therese
merci de ton passage et de tes compliments,ilms me vont droit au coeur
amities
patrick

Pas a pas a dit…

bonjour therese
je ne manque jamais tes photos de blog comme cette fois sur cet hotel vide
merci de ton passage et de si sympas commentaire a bientot
patrick