
Et puis, un matin de je ne sais quel mois, janvier ou février 1964, le soleil s’illumina.
Appelé à l’accueil, mon père m’y attendait, accompagné de Missoudie la bonne. Je lui sautais au cou, et lui fis une bien longue bise.
« Nous allons accompagner votre bonne au dortoir, elle pourra préparer ses affaires ». D’un geste, la directrice interpella une personne qui passait par là.
Que voulait bien dire cette mystérieuse phrase.
« Je comprends Monsieur, ce n’est plus comme avant depuis l’indépendance. »
« Vous n’êtes pas fonctionnaire, malgré votre statut ministériel, il faut penser aussi à vous.
« C’est à cause de cela que l’école se vide, je le vois bien chaque année, il manque des élèves. »
A chaque fois, mon père d’un signe de la tête malheureux, semblait donner raison à la directrice. Il ne disait mot.
De quoi pouvaient-ils bien parler ? Je ne comprenais absolument rien à ce charabia de grand. Je saisissais quand même que si on faisait ma valise, j’allais partir, mais où ?
Je devais absolument attendre pour me réjouir, ils étaient bien capables de m’envoyer à Rabat, mon frère y était déjà, pourquoi pas moi.
« On rentre à la maison »
« …………………………… »
Habitué à des rebondissements de dernières secondes, ma joie s’impatientait au bord de mes lèvres, au bout de mes bras, avant de se libérer et d'exploser.
« Cela ne te fait pas plaisir ? Je te ramène à Midelt. » Je te dis.
Comme un trop plein d’espoir, une explosion, un appel d’air de l’extérieur, je pouvais enfin me réjouir, c’était la bonne ! Ils me croyaient, ils allaient enfin m’écouter ! J’allais rentrer à Midelt !
Sur le retour, la route me paraissait bien plus accueillante que les rares fois où mes parents venaient me voir, ou me chercher pour les vacances. Il fallait que les vacances soient « grandes » comme ils m’expliquaient pour venir me libérer de ma geôle.
« Les moyennes et les petites vacances ça ne compte pas », m’expliquaient-ils.
« Tu comprends, hein ! La route est longue de Midelt à Meknés »
Si je comprends ? Comment leur dire que moi je n’avais pas choisi d’aller à Meknes, ni à Mibladen, que mon bonheur à moi c’est Midelt et rien d’autre !
Ce n’est pas ma faute si la route est longue ! Je le sais moi que la route est longue ! D’ailleurs j’ai remarqué qu’elle est plus longue de Meknés à Midelt, que de Midelt à Meknés, le retour. Et si le route est longue, vous ne croyez pas vous que le temps est long aussi pour moi ! Que mes nuits furent longues, que mes journées bien trop courtes, paniqué à l’idée d’affronter la nuit !
C’est long d’attendre tous les soirs devant la grille que vous veniez me chercher, parce que vous ne me préveniez jamais quand vous veniez me chercher.
Vous me disiez « on passait par là, alors on vient te voir. » .Comme si j’étais une bête du zoo dont on décide la visite au dernier moment, juste avant la fermeture.
Vous veniez oui, mais combien de fois n’êtes-vous jamais venus ? Même pendant des vacances « moyennes » et « petites » quand les autres pensionnaires s’en allaient eux ! Et que moi le cœur en vrille j’allais chez les Dolivet. Vous ne veniez pas me voir !
C’est quoi d’abord des grandes vacances ?
Je me le faisais expliquer par la pionne, elle ne savait pas pourquoi je posais une question aussi idiote, mais moi oui je savais.
J’avais vite saisi. Les Grandes, égalent papa et maman, petites et moyennes égalent Dolivet. Même si aller chez eux était un légitime plaisir, ils ne pouvaient malgré l’amour qu’ils me portaient remplacer papa, maman et Toto.
Voila ce que j’aurais aimé leur dire moi ! Mais jamais je n’oserai, d’abord par crainte de représailles et surtout parce que peu à peu j’ai appris à cuirasser mes émotions, j’empile et on verra bien, soit cela va exploser un jour, soit comme disent les grands, ça passera.
Appelé à l’accueil, mon père m’y attendait, accompagné de Missoudie la bonne. Je lui sautais au cou, et lui fis une bien longue bise.
« Nous allons accompagner votre bonne au dortoir, elle pourra préparer ses affaires ». D’un geste, la directrice interpella une personne qui passait par là.
Que voulait bien dire cette mystérieuse phrase.
« Je comprends Monsieur, ce n’est plus comme avant depuis l’indépendance. »
« Vous n’êtes pas fonctionnaire, malgré votre statut ministériel, il faut penser aussi à vous.
« C’est à cause de cela que l’école se vide, je le vois bien chaque année, il manque des élèves. »
A chaque fois, mon père d’un signe de la tête malheureux, semblait donner raison à la directrice. Il ne disait mot.
De quoi pouvaient-ils bien parler ? Je ne comprenais absolument rien à ce charabia de grand. Je saisissais quand même que si on faisait ma valise, j’allais partir, mais où ?
Je devais absolument attendre pour me réjouir, ils étaient bien capables de m’envoyer à Rabat, mon frère y était déjà, pourquoi pas moi.
« On rentre à la maison »
« …………………………… »
Habitué à des rebondissements de dernières secondes, ma joie s’impatientait au bord de mes lèvres, au bout de mes bras, avant de se libérer et d'exploser.
« Cela ne te fait pas plaisir ? Je te ramène à Midelt. » Je te dis.
Comme un trop plein d’espoir, une explosion, un appel d’air de l’extérieur, je pouvais enfin me réjouir, c’était la bonne ! Ils me croyaient, ils allaient enfin m’écouter ! J’allais rentrer à Midelt !
Sur le retour, la route me paraissait bien plus accueillante que les rares fois où mes parents venaient me voir, ou me chercher pour les vacances. Il fallait que les vacances soient « grandes » comme ils m’expliquaient pour venir me libérer de ma geôle.
« Les moyennes et les petites vacances ça ne compte pas », m’expliquaient-ils.
« Tu comprends, hein ! La route est longue de Midelt à Meknés »
Si je comprends ? Comment leur dire que moi je n’avais pas choisi d’aller à Meknes, ni à Mibladen, que mon bonheur à moi c’est Midelt et rien d’autre !
Ce n’est pas ma faute si la route est longue ! Je le sais moi que la route est longue ! D’ailleurs j’ai remarqué qu’elle est plus longue de Meknés à Midelt, que de Midelt à Meknés, le retour. Et si le route est longue, vous ne croyez pas vous que le temps est long aussi pour moi ! Que mes nuits furent longues, que mes journées bien trop courtes, paniqué à l’idée d’affronter la nuit !
C’est long d’attendre tous les soirs devant la grille que vous veniez me chercher, parce que vous ne me préveniez jamais quand vous veniez me chercher.
Vous me disiez « on passait par là, alors on vient te voir. » .Comme si j’étais une bête du zoo dont on décide la visite au dernier moment, juste avant la fermeture.
Vous veniez oui, mais combien de fois n’êtes-vous jamais venus ? Même pendant des vacances « moyennes » et « petites » quand les autres pensionnaires s’en allaient eux ! Et que moi le cœur en vrille j’allais chez les Dolivet. Vous ne veniez pas me voir !
C’est quoi d’abord des grandes vacances ?
Je me le faisais expliquer par la pionne, elle ne savait pas pourquoi je posais une question aussi idiote, mais moi oui je savais.
J’avais vite saisi. Les Grandes, égalent papa et maman, petites et moyennes égalent Dolivet. Même si aller chez eux était un légitime plaisir, ils ne pouvaient malgré l’amour qu’ils me portaient remplacer papa, maman et Toto.
Voila ce que j’aurais aimé leur dire moi ! Mais jamais je n’oserai, d’abord par crainte de représailles et surtout parce que peu à peu j’ai appris à cuirasser mes émotions, j’empile et on verra bien, soit cela va exploser un jour, soit comme disent les grands, ça passera.