
Et cette 6ème à Foix, qui n’en finit pas.
Elle me gonfle.
Je perds mon temps.
Tous les jours de la semaine, je devais prendre le car très tôt le matin vers 6h 30 ou 7h, et me retrouver tout d’un coup à plus de trois cents élèves bruyants dans la cour. La rentrée de cet automne m’effraie encore. Il y avait plusieurs 6ème. Où trouver ma classe ? Je paniquais. J’étais au dessus de mes capacités à naviguer parmi les fourmis studieuses. Je ressemblais à ces lapins qui à chaque mouvement brusque et bruyant, se blottissent sur place, baissent la tête en espérant que le coup qu’ils vont sûrement naturellement recevoir va les laisser en vie jusqu'à la prochaine fois. L’ogre scolaire me faisait peur, il allait me manger tout cru.
« Ou sont vos parents jeune homme » quelqu’un de gentil venait sans doute de remarquer mon inquiétude au milieu de cette ruche
« A la maison madame »
« Ce serait bien mieux qu’ils soient là pour vous aider la première matinée comment vous nommez vous »
« H……… madame, H……….. Patrick »
« Venez nous allons voir ce que nous pourrons faire »
Je la suivis sans perdre un centimètre de la distance qu’elle avait décidé de caler entre nous. Je remarquais ses longues jambes et même le trait noir des bas qui la partageait en deux parts égales. Son visage m’apparut au début très commun, et peu à peu sans doute illuminé par sa gentillesse, je trouvais qu’elle était même belle. Autour de moi je vis bien qu’un grand nombre de parent avec leur progéniture s’emblaient virevolter dans tous les sens, dans cet enclos rustique du CEG de Foix
« H……… vous dites »
« Oui madame »
« Avec un H ou un Y »
« Un H madame »
« Je n’ai pas de H. ……. sur mon registre, vous ne vous étés pas trompés de bâtiment ?, il y a aussi un lycée dans Foix , le lycée Gabriel Fauré, ça vous dit quelque chose »
« Non madame, je suis sûr que c’est ici, mes parents mon dit que le CEG était près du foirail ou mon père emmène ses moutons pour les vendre, et moi je sais que les moutons ils sont vendus la haut pas loin du café des maquignons, je l’accompagne des fois »
Elle sourit gentiment et ne remit pas en cause mon témoignage tant il semblait fiable et précis. Qui aurait imaginé, ou inventer cette histoire de mouton pour repérer le collège, c’est sur ce gamin ne se trompe pas.
« De quelle école vient tu »
De Serres sur Arget l’école s’appelle LAKANAL et l’instituteur Maurice »
Bien on va t’inscrire, je vais aussi te demander de donner ces papiers à tes parents, dis leur que c’est pour l’assurance, et les fournitures à acheter pour l’école, et tu me les rendras très vite et rempli, c’est d’accord »
« Oui madame »
« Ton nom donc H………...D Patrick tu m’as dit »
« Né le » ?
« 19 juin 1954 »
« Où » ? :
J’hésite…………….
Devais je lui avouer mon lourd secret. Je pourrais lui dire que je suis né à Serres par exemple, ou à Nancy ce sont les seules villes de France que je connais. Mais mon père me disait toujours mentir ce n’est pas beau ! Prisonnier de l’atavisme de cette éducation je déclarais non sans en craindre des conséquences :
« A Marrakech, au Maroc madame »
Son visage ne broncha pas, j’espère qu’elle n’est pas la fille d’un douanier d’un gendarme, ou d’un maquignon. Elle inscrivit sans sourciller : MAROC.
« Nationalité ? »
Elle inscrivit en le prononçant sans même me demander mon avis : M.A.R.O.C.A.I.N.E
« FRANCAISE madame ! » Ma réponse fut rapide, presque brutale, sèche, et sans détour. J’étais français. Elle semblait s’excuser ne demanda pas d’explication. J’avais peur que par la suite il y ait une case « pied noirs rapatries et pauvre». Il n’en fut rien. J’étais content de parler avec elle, c’est vrai qu’elle était de plus en plus jolie, son cœur débordait, l’embellissait, et moi j’étais bien, je n’avais plus peur.
« Au fait tu es externe ou demi pensionnaire »
« Demi pensionnaire madame »
« Tu as les sous pour le repas ? Il faut aller chercher les tickets pour la semaine, je vais te montrer ou c’est »
« Non madame, je n’ai pas d’argent, je ne savais pas qu’il en fallait »
« Mais tes parents ne t’on rien dit de la rentrée ? Normalement, ils auraient dû recevoir un dossier avec tous les papiers que je te donne. On leur disait de venir le premier jour et on aurait pu tout faire.
« Sans doute le dossier s’est il perdu à la poste » conclu t’elle pour mon plus grand soulagement ! Je n’allais quand même pas expliquer que je devais me débrouiller tout seul ! J’avais trop honte !
« C’est ça madame, ils ne l’ont pas reçu sinon je suis certain qu’ils se seraient bien occupés de moi »
La poste avait bon dos, je n’en suis pas sur, mais si le dossier est arrivé, ils l’on rapidement oublié, reportant à demain………………
Je vis bien que le cœur de cette femme venait de flancher. Elle ne me quitta plus de la journée, ou plutôt ce fut moi qui ne la quittai pas de la matinée. Après le repas que le collège m’offrait jusqu'à demain je retournai dans la classe qui m’avait été désignée. Il y avait tellement de 6eme qu’il fallait qu’en plus je me souvienne de la lettre qui l’accompagnait.
C’était la 6eme C