Le troupeau d’environ trois cents brebis, était très insuffisant pour deux familles, il en aurait fallu au moins cinq cents pour en vivre dignement. L’argent manquait cruellement et de plus en plus. Les terres aussi.
Mon frère, comme mon père, l’orgueil vissé au corps ne baissaient jamais les bras malgré les nombreux déboires auxquels ils avaient dû faire face.
Ce n’était pas les meilleures bêtes qu’ils avaient achetées, ni forcement la race la plus adaptée. L’inconnu, la découverte de la profession qu’ils venaient d’embrasser leur coûtait cher chaque jour.
Trouver un bon chien de berger, connaître les maladies, payer les vétérinaires dont le plus proche était à 25 kilomètres, et puis vendre ces agneaux. Il fallait faire comme les « gens du pays », vendre à la foire le lundi à Foix. La foire de Foix, point d’autre salut pour les paysans des montagnes, les maquignons de la région le savaient fort bien.
Dès 5 où 6 heures du matin, le café du foirail devenait le rendez-vous immuable des paysans de la Barguillière. Les paysans en attente d’être tondus, graves et le regard perdu dégustant un grand bol de café. Les maquignons adossés au comptoir examinaient leurs proies d’un œil acerbe, devant un ballon de rouge, un pain frais et un morceau « cambajou » (jambon) fermier. Leur éternelle baguette en noisetier, sceptre de leur pouvoir, accrochée au comptoir.
Les éleveurs présentaient leur maigre butin, je devrai dire leur maigre offrande aux maquignons de passage. Par tous les temps, toutes les saisons ou presque. Attendre l’hypothétique acheteur qui voudra bien daigner se pencher sur le malheureux animal que vous vendiez parfois pour vivre ! Seulement vivre !
La foire. Aux cris des veaux, vaches, cochons, bœufs, canards, chevaux, se mêlaient les exclamations du pouvoir régnant et sans partage des marchands de pauvreté.
Les paysans vivaient sous le joug des maquignons, de l’Aude, de l’Ariège, et même des Pyrénées Orientales. Ils se partageaient le marché sans vergogne. Avant le début des « enchères », les acheteurs s’accordaient sur les prix à payer pour la journée.
Nous avions vite compris la tactique des rapaces en blouse grise et bâton menaçant. Mais que faire quand le maquignon est maître ? Se faire voler le moins possible. Ils commençaient par renifler le marché, tâter du pouls de ces paysans mal dégrossis. Un tour du foirail encore engourdi par le froid matinal, juste pour repérer le marché, la qualité des bêtes, les nombre de mouton, et surtout quels éleveurs étaient présents.
Les blouses grises se réunissaient une deuxième fois au vu de tous pour bien faire comprendre aux serfs et manants que nous étions qu’il serait inutile de marchander. Le prix du marché sera tenu. Maquignon, c’est une secte ! De père en fils
Puis comme une nuée de rapaces sur les fragiles paysans, les voilà qui s’abattent sur le marché. Chaque paysan le souffle coupé, le regard hagard, interrogateur, voire aguicheur se demandait si les blousses grises daigneraient s’approcher de son coin.
Bien gras et transpirant, un rapace s’approche de mon père, espérant étreindre rapidement sa proie si facile et si docile désormais.
Première offre :
- Cinq francs, Maurice, c’est bon ! ». L’intonation n’est pas un point d’interrogation, mais point de discussion, c’est un ordre. Sans attendre la réponse de mon père, la main armée d’un ciseau, il commence à tracer sa marque, son sceau, en entaillant la laine. Les moutons lui appartiennent désormais.
- Voyons 5 francs, ce n’est pas possible ! La semaine dernière, c’était au moins 7 francs.
« La semaine dernière, c’était la semaine dernière. Il n’y avait pas assez de mouton. Tu vois aujourd’hui, il y en a trop, regarde ! D’un geste ample, digne des plus grands empereurs romains, comme si tous ces moutons lui appartenaient, montra la foule des paysans apeurés. Il avait raison.
- Vous allez en laisser sur le carreau, je vous le dis. Certains d’entre-vous remonteront avec vos bêtes. Vends moi les, voyons ! Tu démarres dans le métier, tu as besoin d’argent, non ? Mais continue, Maurice, tu fais du bon travail. Le genre d’encouragement qui vous permet juste de vous motiver pour ne pas arrêter, pour rester toujours sa proie, pour ne pas mourir de faim et nourrir son orgueil. L’encouragement qui vous maintient entre le suicide et l’enthousiasme.
Inutile de répondre, le maquignon avait raison, il y avait souvent plus de mouton que leurs besoins, du moins était-il capable de le faire croire après la messe de conciliabule de plein air qu’il venait de tenir.
Il était malheureusement vrai que mon père devait vitalement vendre. A 5 francs, il ne remboursait pas ses frais, mais s’il devait remonter avec ses 4 ou 5 brebis il lui manquerait de quoi acheter les premières nécessités pour la maison. Il entendait d’ici ma mère lui vomir qu’il n’était même pas capable de nourrir sa propre famille. Il n’en pouvait plus de cette éternelle réflexion qui le tuait à petit feu. Son orgueil d’homme libre lui pesait désormais. Il fallait aussi payer la coopérative, le crédit agricole, les assurances, et à manger s’il en restait.
Où es-tu Mandrin ? Reviens sauver les pauvres !
La laine ne se vendait pas mieux. Elle n’avait même plus de prix, on nous expliquait, les bras désolés, que les australiens avaient cassé le marché. Alors, on troque à la coopérative. De la laine, au poids, contre des vêtements en laine bien sûr !
Chaussettes, pulls, chemises…….mais la laine de mouton est inépuisable et les vêtements durent longtemps, alors on jette la laine.
Cette semaine encore nous mangerons les légumes du jardin, les œufs, les lapins, les poulets, les canards et tout ce qui porte plumes et poils dans la basse cour. Au moins nous ne mourions pas de faim et c’était déjà ça ! Pour l’huile, le café, le savon, il faudra faire attention. Les jouets ? Je ne savais plus à quoi cela ressemblait, je ne lisais plus le chasseur français ni Manufrance. Je n’avais plus le droit de rêver. Un enfant sans rêve………….ça crève à petit feu, c’est pire non !
Il devait vendre aussi parce que la bête non vendue à temps, au poids désiré par les fabricants de pauvres continuait à grossir et coûtait de plus en plus cher en nourriture, et vous n’étiez pas sur qu’au prochain marché le prix ne baisse pas encore.
- Elle n’est plus dans les normes Maurice cette bette, agneau de 100 jours ! Au lait de la mère ! On te demande ! Que veut tu que je fasse de celle là »
L’air franchement navré, il cherche une solution pour « sauver » mon père. L’œil en coin il pistait sans aucun doute sa réaction!
- Bon je t’aime bien tu sais je vais te rendre service 4frs çà va !
- Oui ça va » le tondu était soulagé d’avoir été volé ! Un peu pas trop !
Il l’aurai même laissé à 3 francs s’il avait fallu, tant qu’il ne se préoccupait plus de la marge qu’il pouvait faire, mais de la liquidité dont il avait cruellement besoin ! Mais des jours, il arrivait qu’un cher maquignon vous annonce assurément navré
- Votre mouton est bien beau, mais moi je cherche de l’agneau de 100 jours et là il est bien trop gros, il fallait l’amener avant, je vous l’aurai acheter ! Assurément !
C’est quoi qui nous retiens à cet instant de lui flanquer une trempe ? La stupéfaction ? La peur ? La lâcheté ?........Rien de cela, mais l’esprit de survie, et de conservation qui vous gère inconsciemment votre vie. Bousculer cet homme c’était mourir, pas de mort subite non, mais oh plus grave, la mort à petit feu, de celle du genre :
- Tu peux toujours descendre tes moutons Maurice, personne ne te les achètera », et c’est sûrement ainsi que cela se serai passé.
Comme à la douane française, encore une fois tu enroules ton orgueil autour de tes points, tu te fais la promesse qu’un jour viendra ou……, mais tu ne bouges pas en attendant ! !
Avale ton orgueil !avale !sans eau à sec ! Un jour viendra tu l’espères ou ils iront rejoindre dans la toujours grande fosse de la foret de Tedders, les dockers, les douaniers, et quelques français.
Ils étaient bougements puissants les gras en blouses grise, et point de Jacquou le croquant pour se révolter. Impossible de connaître le prix du marché qu’ils avaient fixé à la journée, parfois même à la demi journée. Le matin un prix et le soir un autre bien plus bas. La technique consistait aussi à faire faire le yoyo au prix pour affoler les paysans qui ne savaient plus ou donner du portefeuille
- Alors Maurice cinq francs c’est bon
- Non j’attends
- Attention Maurice cinq francs maintenant c’est beaucoup, ce sera peu être quatre tout à l’heure !
Ainsi ne reculant devant aucune ignominie, les blouses grises tondaient régulièrement tous les lundi, ce bétail humain, et docile à merci.
Au début il refusa ce chantage à la misère, il remonta plusieurs fois avec ses moutons. Préfèrent entendre les miséreuses remarques de ma mère que de capituler sans combat devant l’armée des blouses grises. Mais la coopérative, le crédit agricole, les assurances n’avaient pas beaucoup plus de compassion pour lui que les maquignons du marché
Lentement, fatalement, l’orgueil, sous le mouchoir, il vendait. Toujours à la limite de son prix de revient. Parfois bien plus bas, et parfois, mais rarement, il explosait de joie dans sa vielle 4 l. Quelques liasses de billets bien serrés dans le fond de sa poche lui tenaient chaud, et le rassurait pour quelques temps.
- Maman me disait il, ainsi nommait il ma mère, « me foutra la paix. Quelques temps !pas trop ! Le temps de reprendre son souffle, le temps que les billets fassent aussi leur temps, et l’anesthésies, puis elle recommencera.
Quelques notes sifflées sur l’air de la Montagne de jean Ferrat ne laissait plus aucun doute, il avait tout vendu et très bien vendu.
Alors mon frère et lui se sentaient à nouveau d’un courage tout neuf, à toute épreuve, c’est assuré maintenant leur travail va payer enfin, ses moutons sont appréciés, il va réussir et Claude avec ses trois enfants aura enfin un salaire c’est promis. Ils signaient tous les deux un nouveau baille avec les moutons et les maquignons, ça ira mieux maintenant !c’est sûr ! A table alors une bouteille de « vieux pape » venait sceller le renouveau
Mon frère, comme mon père, l’orgueil vissé au corps ne baissaient jamais les bras malgré les nombreux déboires auxquels ils avaient dû faire face.
Ce n’était pas les meilleures bêtes qu’ils avaient achetées, ni forcement la race la plus adaptée. L’inconnu, la découverte de la profession qu’ils venaient d’embrasser leur coûtait cher chaque jour.
Trouver un bon chien de berger, connaître les maladies, payer les vétérinaires dont le plus proche était à 25 kilomètres, et puis vendre ces agneaux. Il fallait faire comme les « gens du pays », vendre à la foire le lundi à Foix. La foire de Foix, point d’autre salut pour les paysans des montagnes, les maquignons de la région le savaient fort bien.
Dès 5 où 6 heures du matin, le café du foirail devenait le rendez-vous immuable des paysans de la Barguillière. Les paysans en attente d’être tondus, graves et le regard perdu dégustant un grand bol de café. Les maquignons adossés au comptoir examinaient leurs proies d’un œil acerbe, devant un ballon de rouge, un pain frais et un morceau « cambajou » (jambon) fermier. Leur éternelle baguette en noisetier, sceptre de leur pouvoir, accrochée au comptoir.
Les éleveurs présentaient leur maigre butin, je devrai dire leur maigre offrande aux maquignons de passage. Par tous les temps, toutes les saisons ou presque. Attendre l’hypothétique acheteur qui voudra bien daigner se pencher sur le malheureux animal que vous vendiez parfois pour vivre ! Seulement vivre !
La foire. Aux cris des veaux, vaches, cochons, bœufs, canards, chevaux, se mêlaient les exclamations du pouvoir régnant et sans partage des marchands de pauvreté.
Les paysans vivaient sous le joug des maquignons, de l’Aude, de l’Ariège, et même des Pyrénées Orientales. Ils se partageaient le marché sans vergogne. Avant le début des « enchères », les acheteurs s’accordaient sur les prix à payer pour la journée.
Nous avions vite compris la tactique des rapaces en blouse grise et bâton menaçant. Mais que faire quand le maquignon est maître ? Se faire voler le moins possible. Ils commençaient par renifler le marché, tâter du pouls de ces paysans mal dégrossis. Un tour du foirail encore engourdi par le froid matinal, juste pour repérer le marché, la qualité des bêtes, les nombre de mouton, et surtout quels éleveurs étaient présents.
Les blouses grises se réunissaient une deuxième fois au vu de tous pour bien faire comprendre aux serfs et manants que nous étions qu’il serait inutile de marchander. Le prix du marché sera tenu. Maquignon, c’est une secte ! De père en fils
Puis comme une nuée de rapaces sur les fragiles paysans, les voilà qui s’abattent sur le marché. Chaque paysan le souffle coupé, le regard hagard, interrogateur, voire aguicheur se demandait si les blousses grises daigneraient s’approcher de son coin.
Bien gras et transpirant, un rapace s’approche de mon père, espérant étreindre rapidement sa proie si facile et si docile désormais.
Première offre :
- Cinq francs, Maurice, c’est bon ! ». L’intonation n’est pas un point d’interrogation, mais point de discussion, c’est un ordre. Sans attendre la réponse de mon père, la main armée d’un ciseau, il commence à tracer sa marque, son sceau, en entaillant la laine. Les moutons lui appartiennent désormais.
- Voyons 5 francs, ce n’est pas possible ! La semaine dernière, c’était au moins 7 francs.
« La semaine dernière, c’était la semaine dernière. Il n’y avait pas assez de mouton. Tu vois aujourd’hui, il y en a trop, regarde ! D’un geste ample, digne des plus grands empereurs romains, comme si tous ces moutons lui appartenaient, montra la foule des paysans apeurés. Il avait raison.
- Vous allez en laisser sur le carreau, je vous le dis. Certains d’entre-vous remonteront avec vos bêtes. Vends moi les, voyons ! Tu démarres dans le métier, tu as besoin d’argent, non ? Mais continue, Maurice, tu fais du bon travail. Le genre d’encouragement qui vous permet juste de vous motiver pour ne pas arrêter, pour rester toujours sa proie, pour ne pas mourir de faim et nourrir son orgueil. L’encouragement qui vous maintient entre le suicide et l’enthousiasme.
Inutile de répondre, le maquignon avait raison, il y avait souvent plus de mouton que leurs besoins, du moins était-il capable de le faire croire après la messe de conciliabule de plein air qu’il venait de tenir.
Il était malheureusement vrai que mon père devait vitalement vendre. A 5 francs, il ne remboursait pas ses frais, mais s’il devait remonter avec ses 4 ou 5 brebis il lui manquerait de quoi acheter les premières nécessités pour la maison. Il entendait d’ici ma mère lui vomir qu’il n’était même pas capable de nourrir sa propre famille. Il n’en pouvait plus de cette éternelle réflexion qui le tuait à petit feu. Son orgueil d’homme libre lui pesait désormais. Il fallait aussi payer la coopérative, le crédit agricole, les assurances, et à manger s’il en restait.
Où es-tu Mandrin ? Reviens sauver les pauvres !
La laine ne se vendait pas mieux. Elle n’avait même plus de prix, on nous expliquait, les bras désolés, que les australiens avaient cassé le marché. Alors, on troque à la coopérative. De la laine, au poids, contre des vêtements en laine bien sûr !
Chaussettes, pulls, chemises…….mais la laine de mouton est inépuisable et les vêtements durent longtemps, alors on jette la laine.
Cette semaine encore nous mangerons les légumes du jardin, les œufs, les lapins, les poulets, les canards et tout ce qui porte plumes et poils dans la basse cour. Au moins nous ne mourions pas de faim et c’était déjà ça ! Pour l’huile, le café, le savon, il faudra faire attention. Les jouets ? Je ne savais plus à quoi cela ressemblait, je ne lisais plus le chasseur français ni Manufrance. Je n’avais plus le droit de rêver. Un enfant sans rêve………….ça crève à petit feu, c’est pire non !
Il devait vendre aussi parce que la bête non vendue à temps, au poids désiré par les fabricants de pauvres continuait à grossir et coûtait de plus en plus cher en nourriture, et vous n’étiez pas sur qu’au prochain marché le prix ne baisse pas encore.
- Elle n’est plus dans les normes Maurice cette bette, agneau de 100 jours ! Au lait de la mère ! On te demande ! Que veut tu que je fasse de celle là »
L’air franchement navré, il cherche une solution pour « sauver » mon père. L’œil en coin il pistait sans aucun doute sa réaction!
- Bon je t’aime bien tu sais je vais te rendre service 4frs çà va !
- Oui ça va » le tondu était soulagé d’avoir été volé ! Un peu pas trop !
Il l’aurai même laissé à 3 francs s’il avait fallu, tant qu’il ne se préoccupait plus de la marge qu’il pouvait faire, mais de la liquidité dont il avait cruellement besoin ! Mais des jours, il arrivait qu’un cher maquignon vous annonce assurément navré
- Votre mouton est bien beau, mais moi je cherche de l’agneau de 100 jours et là il est bien trop gros, il fallait l’amener avant, je vous l’aurai acheter ! Assurément !
C’est quoi qui nous retiens à cet instant de lui flanquer une trempe ? La stupéfaction ? La peur ? La lâcheté ?........Rien de cela, mais l’esprit de survie, et de conservation qui vous gère inconsciemment votre vie. Bousculer cet homme c’était mourir, pas de mort subite non, mais oh plus grave, la mort à petit feu, de celle du genre :
- Tu peux toujours descendre tes moutons Maurice, personne ne te les achètera », et c’est sûrement ainsi que cela se serai passé.
Comme à la douane française, encore une fois tu enroules ton orgueil autour de tes points, tu te fais la promesse qu’un jour viendra ou……, mais tu ne bouges pas en attendant ! !
Avale ton orgueil !avale !sans eau à sec ! Un jour viendra tu l’espères ou ils iront rejoindre dans la toujours grande fosse de la foret de Tedders, les dockers, les douaniers, et quelques français.
Ils étaient bougements puissants les gras en blouses grise, et point de Jacquou le croquant pour se révolter. Impossible de connaître le prix du marché qu’ils avaient fixé à la journée, parfois même à la demi journée. Le matin un prix et le soir un autre bien plus bas. La technique consistait aussi à faire faire le yoyo au prix pour affoler les paysans qui ne savaient plus ou donner du portefeuille
- Alors Maurice cinq francs c’est bon
- Non j’attends
- Attention Maurice cinq francs maintenant c’est beaucoup, ce sera peu être quatre tout à l’heure !
Ainsi ne reculant devant aucune ignominie, les blouses grises tondaient régulièrement tous les lundi, ce bétail humain, et docile à merci.
Au début il refusa ce chantage à la misère, il remonta plusieurs fois avec ses moutons. Préfèrent entendre les miséreuses remarques de ma mère que de capituler sans combat devant l’armée des blouses grises. Mais la coopérative, le crédit agricole, les assurances n’avaient pas beaucoup plus de compassion pour lui que les maquignons du marché
Lentement, fatalement, l’orgueil, sous le mouchoir, il vendait. Toujours à la limite de son prix de revient. Parfois bien plus bas, et parfois, mais rarement, il explosait de joie dans sa vielle 4 l. Quelques liasses de billets bien serrés dans le fond de sa poche lui tenaient chaud, et le rassurait pour quelques temps.
- Maman me disait il, ainsi nommait il ma mère, « me foutra la paix. Quelques temps !pas trop ! Le temps de reprendre son souffle, le temps que les billets fassent aussi leur temps, et l’anesthésies, puis elle recommencera.
Quelques notes sifflées sur l’air de la Montagne de jean Ferrat ne laissait plus aucun doute, il avait tout vendu et très bien vendu.
Alors mon frère et lui se sentaient à nouveau d’un courage tout neuf, à toute épreuve, c’est assuré maintenant leur travail va payer enfin, ses moutons sont appréciés, il va réussir et Claude avec ses trois enfants aura enfin un salaire c’est promis. Ils signaient tous les deux un nouveau baille avec les moutons et les maquignons, ça ira mieux maintenant !c’est sûr ! A table alors une bouteille de « vieux pape » venait sceller le renouveau